Plus de doute possible : Sebastian Coe continue de mener sa barque, et surtout celle de l’athlétisme, à l’écart du reste du mouvement olympique. Il avance selon ses propres convictions, pas toujours à l’unisson de celles du CIO et des autres instances internationales.
Après avoir été la seule fédération internationale à écarter toute idée d’une présence d’athlètes neutres portant un passeport russe aux Jeux de Paris 2024, World Athletics a bousculé les règles et les usages en annonçant en avril dernier sa décision de distribuer des primes en dollars (50.000) aux médaillés d’or le mois prochain en France.
A moins d’un mois des Jeux de Paris 2024, Sebastian Coe a encore fait l’événement en se rendant en fin de semaine passée en Ukraine pour une visite très officielle de deux jours. Elle n’était pas annoncée. Elle a été dévoilée après coup par un double communiqué de World Athletics.
Hasard ou pas, la visite du Britannique à Kiev est intervenue au moment où le CIO complète peu à peu sa liste des athlètes russes et biélorusses déclarés éligibles au statut de neutralité, et donc invités à participer aux Jeux de Paris 2024. Dans sa dernière version, elle compte 47 noms (28 Russes, 19 Biélorusses). A ce jour, seulement 20 d’entre eux ont accepté l’invitation du CIO à se rendre aux Jeux.
En Ukraine, Sebastian Coe a parlé sport. Surtout sport. Il a assisté samedi 29 juin aux championnats nationaux d’athlétisme, disputés à Lviv, qualificatifs pour les Jeux de Paris 2024. Selon un communiqué de l’instance, il a passé « plusieurs heures à rencontrer les athlètes, dont beaucoup ont bénéficié du Fonds mondial de l’athlétisme pour l’Ukraine. »
Lancée en 2022, au début de l’invasion russe, puis prolongée l’an passé, cette aide financière et matérielle est financée par World Athletics, par la Fondation internationale de l’athlétisme et par les membres de l’Association de la Ligue de Diamant. Elle a notamment permis à 29 athlètes ukrainiens de se préparer puis participer aux championnats du monde 2023 à Budapest.
« Aux Mondiaux 2023 à Budapest, comme le mois dernier aux championnats d’Europe à Rome, j’ai toujours dit aux athlètes ukrainiens : « Si vous pouvez venir à nos championnats, je peux venir aux vôtres ». Il était donc important pour moi d’être présent ce week-end à leurs championnats nationaux avant les Jeux olympiques de Paris, a expliqué Sebastian Coe. J’ai été profondément ému par la résistance et la détermination des athlètes. Lorsque nous sommes arrivés au stade, une sirène de raid aérien a retenti et a retardé le départ du 200 mètres. C’est la dure et sobre réalité et les défis auxquels les athlètes sont confrontés jour après jour ».
Voilà pour le sport. La politique, maintenant. En Ukraine, le président de World Athletics n’a pas seulement échangé avec des athlètes. Il a aussi rencontré le chef de l’Etat, Volodymyr Zelensky, vendredi 28 juin à Kiev.
Les deux hommes ont évoqué la perspective d’une aide supplémentaire de World Athletics à l’athlétisme ukrainien, notamment via un nouveau programme dédié aux athlètes âgés de 18 à 22 ans et à leurs entraîneurs. L’initiative pourrait leur permettre de continuer à participer aux compétitions internationales.
Surtout, Sebastian Coe a invité Volodymyr Zelensky à se rendre aux Jeux de Paris 2024 et assister aux épreuves d’athlétisme. Une invitation plus personnelle que protocolaire. Le Britannique l’a fait en son nom et non pas au titre du CIO. Puis il a expliqué à une équipe de CNN, présente en exclusivité tout au long du voyage en Ukraine : « J’ai profité de l’occasion pour faire comprendre à Volodymyr Zelensky que, s’il se rend à Paris, il a une invitation ouverte à suivre le sport olympique numéro un. Je ne suis pas sûr que son agenda lui permette de faire le voyage. Mais je pense qu’il s’est montré un peu plus réceptif à l’idée au fur et à mesure de notre conversation. »
Toujours selon CNN, Volodymyr Zelensky a répété une nouvelle fois que « la neutralité n’existe pas lorsqu’une guerre comme celle-ci est en cours ». Très critique à l’égard du CIO et de sa décision d’inviter des athlètes russes aux Jeux de Paris 2024, il a martelé que « tout drapeau neutre d’athlètes russes est taché de sang ». Sebastian Coe n’a pas dit le contraire.