A coup sûr l’une des images des Jeux. Totalement inattendue, mais déjà entrée dans l’album de Paris 2024. Six ans après la cérémonie d’ouverture des Jeux d’hiver de PyeongChang 2018, où les deux Corées avaient défilé en une seule délégation derrière un même drapeau, illustration à l’échelle planétaire du pouvoir du sport, quatre pongistes des deux voisins asiatiques ont posé ensemble pour un selfie.
La scène s’est déroulée mardi 30 juillet, au terme du double mixte du tournoi olympique de tennis de table. Avant leur descente du podium, les Sud-Coréens Lim Jong-hoon et Shin Yu-bin, médaillés de bronze, ont posé avec les deux Coréens du Nord Ri Jong Sik et Kim Kum Yong, invités surprises de la finale, où ils ont cédé face à la paire chinoise.
Les médailles remises et l’hymne chinois joué dans l’Arena Paris Sud, les pongistes invités sur le podium se sont livrés à un exercice devenu rituel depuis le début des Jeux de Paris 2024 : un selfie pris avec un téléphone portable Samsung, partenaire mondial du CIO, prêté pour la photo par un volontaire du comité d’organisation. Le cliché est destiné à OBS, la branche audiovisuelle du CIO. Il compte parmi les nouveautés imaginées pour les Jeux de Paris 2024.
La séquence du selfie des médaillés se répète sur tous les sites. Mais elle a pris une dimension très particulière, osons dire géopolitique, dans le cas du double mixte. A l’origine de l’image, le pongiste sud-coréen l’a expliqué plus tard devant les médias : «J’ai félicité les deux joueurs de Corée du Nord quand ils ont été présentés sur le podium en tant que médaillés d’argent ».
A Séoul, la scène est déjà virale. Les chaînes de télévision la passe en boucle, ravies de pouvoir lui associer les valeurs de l’olympisme. « C’est le véritable esprit des Jeux olympiques », a insisté l’un des commentateurs de la chaîne nationale.
A Paris, la Corée du Nord fait son retour aux Jeux olympiques après un intermède de six ans. Elle était absente des Jeux de Tokyo 2020, un boycott justifié par le régime de Pyongyang par des raisons sanitaires. Le COVID-19, avait écrit la Corée du Nord sur son mot d’excuse. Le CIO n’avait pas apprécié, au point de décider de suspendre le comité national olympique et lui interdire toute participation aux Jeux d’hiver de Pékin 2022.
Arrivée à Paris en groupe réduit, une vingtaine de personnes dont une douzaine d’athlètes, la Corée du Nord a déjà réussi ses Jeux. Elle compte deux médailles d’argent, en plongeon et tennis de table. Elle n’en attendait pas tant après seulement quatre jours de compétition.
A l’Arena Paris Sud, le parcours des deux pongistes envoyés par Pyongyang a surpris même les plus avertis de la réalité du tennis de table. Pour leur première participation aux Jeux olympiques, Ri Jong Sik et Kim Kum Yong ont écarté les Japonais médaillés d’or à Tokyo 2020, puis battu le double de Hong Kong, avant de céder face aux Chinois Wang Chuqin et Sun Yingsha, numéros 1 mondiaux, mais en leur arrachant deux sets (4-2).
Les deux Nord-Coréens étaient inconnus, ne quittant jamais leur pays pour disputer des compétitions internationales. Ils ont joué de l’effet de surprise, révélant au dernier moment, souvent trop tard, les subtilités d’un jeu peu orthodoxe.
Longtemps réticents à répondre aux questions des journalistes, ils ont finalement dû en passer par l’exercice médiatique lors de la conférence de presse des médaillés. En peu de mots, ils ont expliqué s’entraîner en Corée du Nord, mais entretenir des relations sportives avec les pongistes chinois.
« Nous nous sommes beaucoup préparés pour les Jeux olympiques, a sobrement expliqué Kim Kun Yong, 22 ans, la moitié féminine du double mixte nord-coréen. Nous avons réalisé une bonne performance, mais nous avons malgré tout quelques regrets. Nous ferons mieux la prochaine fois pour remporter la médaille d’or. » La perspective d’un nouveau selfie.