Le suspense n’en était pas vraiment un, même s’il l’avait soigneusement entretenu lui-même, depuis l’automne dernier, répondant souvent de façon énigmatique aux questions sur ses projets d’avenir. Thomas Bach, le neuvième président du CIO, ne rempilera pas.
Il quittera son immense bureau de Lausanne au printemps prochain, après un premier mandat de huit ans, prolongé comme le permet la règle d’un deuxième bail de quatre ans. L’Allemand ne fera pas modifier, pour rester en place, une Charte olympique dont il rappelle souvent avoir été l’un des auteurs de la version la plus récente.
Il en a informé lui-même la centaine de membres de l’instance, réunis samedi 10 août pour la dernière fois à Paris, en conclusion d’une 142ème session ouverte presque trois semaines plus tôt. Son explication aurait pu se résumer en un simple et direct : « Je respecte la Charte et ne solliciterai pas un nouveau mandat. » Mais il a choisi de faire un peu plus long, étirant son explication sur une douzaine de minutes.
« Beaucoup d’entre vous m’ont demandé de prolonger mon mandat et d’accepter une modification de la Charte olympique à cette fin, a commencé Thomas Bach depuis la tribune. Après de profondes réflexions et de longues discussions, y compris avec ma famille, présente dans la salle, je suis arrivé à la conclusion que mon mandat ne devrait pas être prolongé au-delà des limites prévues par la Charte olympique. Afin de préserver la crédibilité du CIO, nous devons tous, et en particulier moi, en tant que président, respecter les normes les plus élevées de bonne gouvernance que nous nous sommes fixées. J’ai été l’un des promoteurs et des auteurs d’une telle limite de mandat au moment de l’examen de la révision de la Charte olympique. Jusqu’à aujourd’hui, je crois fermement qu’après 12 ans au poste de président du CIO, notre organisation est mieux servie par un changement de direction. »
Tout est dit, ou presque. Thomas Bach ne fera pas le mandat de trop. Trop respectueux des règles de l’instance, il a choisi de suivre une ligne de conduite qu’il a souvent répétée depuis 12 ans. « Changer ou être changé ». Cette fois, il l’applique à lui-même. La décision l’honore. Ils ne sont pas si nombreux, dans le mouvement olympique, à fonctionner ainsi.
Le dirigeant allemand l’a longuement détaillé : le CIO se trouve aujourd’hui dans une situation très confortable, et même envieuse. Les Jeux d’été sont attribués jusqu’en 2032, ceux d’hiver jusqu’en 2034, avec une solide option suisse pour 2038. Pas moins de 13,5 milliards de dollars de revenus sont assurés jusqu’en 2032, entre les droits de télévision et les contrats de partenariat. Les Jeux olympiques de l’eSport, l’une de ses initiatives les plus inattendues, ont trouvé un pays-hôte, l’Arabie saoudite, pour un bail de 12 ans. Le décor était nettement moins dégagé en 2013, lorsqu’il a été élu à la session de Buenos Aires pour succéder au Belge Jacques Rogge.
Tout roule, donc. Mais, visionnaire, Thomas Bach devine déjà les défis qui attendent le CIO et, avec lui l’ensemble du mouvement olympique, dans les années avenir. Ils se nomment intelligence artificielle, biochimie, neurosciences, nouvelles technologies. L’Allemand les anticipe, mais sans tout à fait les comprendre. Un décalage qui explique en partie sa décision d’en rester à un bail de 12 ans.
« Pour ce nouveau mode de vie, je ne suis pas, avec mon âge, le meilleur capitaine, a-t-il expliqué samedi devant la session. Les temps nouveaux appellent de nouveaux leaders. Je sais qu’avec cette décision, je déçois beaucoup d’entre vous. Je ne peux que vous demander de respecter le fait que je suis profondément convaincu que cette décision est dans le meilleur intérêt de notre mouvement olympique bien-aimé. »
Pragmatique, Thomas Bach a déjà tout prévu pour sa fin de règne. Il a annoncé vouloir demander à la commission exécutive de programmer la session élective du 18 au 21 mars 2025 à Olympie, en Grèce. Autant dire demain. Pour un début de mandat de son successeur en date du 24 juin 2025.
Une question, une seule, va passionner le mouvement olympique dans les mois à venir : qui ? A qui Thomas Bach remettra-t-il dans moins d’un an les clefs de son bureau ?
A ce jour, aucun candidat n’a osé sortir du bois. Tous les postulants, évidents ou plus inattendus, étaient suspendus à la décision de Thomas Bach. Les choses étant désormais plus claires, la course va pouvoir commencer. Elle sera courte. Et, par conséquent, sûrement intense.
Des noms ? A ce stade, ils tiennent plus de la rumeur et des conversations de couloirs. Mais ne résistons pas à l’envie de citer les plus souvent entendus : Juan Antonio Samaranch, Sebastian Coe, Kirsty Coventry, Morinari Watanabe, David Lappartient, Prince Feisal Al Hussein, Nicole Hoevertsz. La campagne fera rapidement le tri entre les réelles ambitions et les fausses pistes. Elle pourrait également voir émerger un ou plusieurs noms jusque-là peu entendus.