Par Jean-Loup Chappelet, Université de Lausanne, IDHEAP
Les Jeux de Paris 2024 sont terminés. Il reste les images. Il reste aussi les chiffres, et le décompte des médailles par pays qui prétend résumer une quinzaine olympique saluée comme un succès global.
Première surprise, la France surperforme, après ses résultats mitigés des Jeux de Tokyo 2020, elle a même atteint plusieurs fois pendant les Jeux le deuxième rang. Mais les autres équipes de l’Union européenne font l’inverse. Elles sousperforment. Ni l’Allemagne, ni l’Italie, ni l’Espagne ne sont pas dans le top 5 du classement établi par le CIO, où l’ordre des pays se fait sur le nombre de médailles d’or. Un classement qui affiche le résultat suivant : 1. Etats-Unis, 2. Chine, 3. Japon, 4. Australie, 5. France.
La Grande-Bretagne termine au septième rang, sur sa lancée de Londres 2012 poursuivie à Rio 2016 et Tokyo 2020.
En privilégiant plutôt le nombre total de médailles, le classement est un peu différent : Etats-Unis (126 médailles), Chine (91), Grande Bretagne (65), France (64), Australie (53).
Le site Sports Examiner, qui applique un système traditionnel dans les universités américaines attribuant des points aux huit premières places (selon les notes 10, 8, 6, 5, 4, 3, 2 et 1), la hiérarchie est encore différente : 1. Etats-Unis, 2. Chine, 3. France, 4. Grande-Bretagne, 5. Australie. Ce classement révèle une forte relève dans ces pays.
Au total, 84 équipes (sur 206) ont gagné au moins une médaille.
Mais que valent vraiment ces tableaux de médailles ? Et pourquoi y attache-t-on tant d’importance, alors qu’ils sont discutables ?
La recherche a montré que les principaux facteurs explicatifs des résultats olympiques sont les tailles de la population, du PIB par habitant et de l’équipe engagée. Les Etats-Unis, la Chine, le Japon sont donc toujours bien placés. Cette année, la France bénéficie d’être « à la maison », comme tous les autres pays hôtes depuis une trentaine d’années.
A partir de ces facteurs et de quelques autres, de nombreux chercheurs prédisent assez bien avant les Jeux le nombre total de médailles qui seront gagnées par les équipes participantes. L’absence cette année de la Russie, habituellement grosse pourvoyeuse de médailles, perturbe légèrement ces prédictions. La vingtaine d’AIN (Athlètes indépendants neutres) de Russie et de Biélorussie n’ont gagné que six médailles (dont une seule en or) et ne sont pas listés dans le tableau officiel des médailles.
Cette désignation d’AIN vise à éviter une utilisation politique des victoires olympiques, notamment par la Russie. On sait en effet que les Jeux olympiques ont été, après la deuxième guerre mondiale, un des terrains de la guerre froide entre les blocs soviétiques et occidentaux. A Montréal 1976, l’Allemagne de l’est « bat » les Etats-Unis au tableau des médailles, ce qui provoquera en 1978 l’adoption de la toute première loi fédérale américaine pour gouverner le sport dans ce pays.
Avec les Jeux de Pékin 2008, la Chine rejoint le concert des grandes nations et s’affirme comme une puissance sportive : son équipe remporte le plus grand nombre de médailles d’or (48 sur 100) et les Etats-Unis le plus de médailles (112 dont 36 d’or). Ce partage satisfait – comme cette année – le soft power des deux pays car en Chine, c’est surtout la première place qui compte, alors qu’aux Etats-Unis c’est plutôt le total de médailles.
Le président Emmanuel Macron avait assigné à l’équipe de France la mission d’être dans le top 5 des médailles de Paris 2024, sans doute avec une arrière-pensée politique. La Charte olympique le rappelle pourtant dans sa règle 6.1 : « Les Jeux Olympiques sont des compétitions entre athlètes, en épreuves individuelles ou par équipes et non entre pays. »
D’autres tableaux des médailles seraient possibles. Par exemple, en tenant compte du nombre de médailles par habitant. Avec un tel calcul, les îles des Caraïbes de la Dominique ou de Sainte-Lucie viendraient largement en tête aux Jeux de Paris 2024 grâce à leurs sprinteuses.
Dans les années 1990, la Commission européenne avait souhaité une équipe olympique unifiée de l’UE. Elle n’a pas été acceptée par le mouvement olympique. En 2024, les équipes des 27 pays membres ont gagné 301 médailles, presque deux fois et demi plus que Etats-Unis, et plus du triple de la Chine.