— Publié le 19 septembre 2024

Au Kenya, l’antidopage est sans le sou

Institutions Focus

Problème en vue pour World Athletics. Et par ricochet pour son président, Sebastian Coe, candidat déclaré depuis le début de la semaine à la présidence du CIO.

La menace de gros temps est annoncée depuis le Kenya. Elle concerne la question du dopage. L’Agence antidopage du Kenya (ADAK) a révélé aux médias nationaux avoir subi très récemment une coupe sévère de son budget par les autorités politiques nationales. Elle n’a reçu que la somme dérisoire de 20 millions de shillings, soit un peu plus de 150.000 dollars au cours actuel, pour couvrir ses activités au cours de l’année financière à venir. Elle attendait au moins 288 millions de shillings, soit 2,2 millions de dollars.

La raison n’est pas directement liée au dossier dopage. Le site newscentral explique que le gouvernement a coupé à la hache dans un grand nombre de budgets, tous secteurs confondus, après avoir été contraint de renoncer à un projet de loi fiscale, à l’origine de manifestations massives de la population au mois de juin dernier.

L’ADAK en a été victime, comme plusieurs autres organisations ou agences dépendant des crédits de l’Etat. Le président de son conseil d’administration, Daniel Makdwallo, l’a expliqué lors d’un point presse à Nairobi : « Cette décision paralyse l’agence. Elle nous empêche de remplir nos obligations. Avec des moyens financiers aussi réduits, nous courons le risque de ne pas pouvoir respecter le Code mondial antidopage. Aujourd’hui, j’en appelle au Trésor public pour qu’il reconsidère son financement et rétablisse le budget de l’agence. Nous devons protéger les athlètes kenyans. »

Partout ailleurs, une telle situation serait considérée comme très problématique. Au Kenya, elle est catastrophique. Sur la question du dopage, l’athlétisme kenyan pointe largement en tête des mauvais élèves, avec 78 athlètes sanctionnés au cours des trois dernières années. La liste s’allonge sans cesse. Pour le seul mois de juin, par exemple, l’ADAK a suspendu à vie la marathonienne Beatrice Toroitich (.2 h 27 min 41 en 2012), et pour une période de six ans le recordman du monde du 10 km sur route Rhonex Kipruto (26 min 24).

En 2022, une saisissante succession d’affaires de dopage parmi ses athlètes avait failli précipiter l’athlétisme kenyan dans le précipice. Le Conseil de World Athletics avait longuement débattu de son cas, envisageant de suspendre la fédération, comme il l’a fait pour la Russie. Le pays figurait déjà, depuis plusieurs années, dans la catégorie A des pays sous surveillance de l’AMA.

Mais les promesses des autorités politiques d’investir 25 millions de dollars en cinq ans dans la lutte antidopage ont convaincu les membres du Conseil de l’instance, Sebastian Coe en tête.

Depuis, les choses ont changé. Sur le terrain, les athlètes kenyans continuent de rafler les médailles. Ils en ont décroché 11, dont quatre en or, aux Jeux de Paris 2024, le deuxième meilleur résultat collectif derrière les Etats-Unis (34 médailles dont 14 en or). Ailleurs, les promesses de Nairobi ont été oubliées.

Comment va réagir World Athletics ? Avec un Sebastian Coe en course pour la succession de Thomas Bach, la réponse sera observée au-delà de la seule communauté de l’athlétisme.