La nouvelle n’était pas attendue. Mais elle peut se comprendre. Le Comité olympique russe (ROC), toujours suspendu par le CIO, a annoncé via un communiqué publié sur son site Internet que son président, Stanislav Pozdnyakov (photo ci-dessus), n’ira pas au bout de son second mandat. L’ancien escrimeur présentera formellement sa démission avant la fin de l’année.
Une réunion du comité exécutif du ROC est prévu le 7 novembre. Elle devrait, sauf très improbable retournement de situation, entériner la décision prise par Stanislav Pozdnyakov et annoncer la date d’une nouvelle élection. Elle devrait se tenir au mois de décembre.
La raison ? Stanislav Pozdnyakov en a donné une version. Qualifions-la de seulement officielle. « Les défis géopolitiques auxquels notre pays est confronté aujourd’hui imposent d’optimiser et de centraliser la gestion des sphères d’activités clés, dont le sport de haut niveau, a-t-il expliqué, cité dans le communiqué du ROC. Le rôle du gouvernement est aujourd’hui plus important que jamais : garantir les résultats les plus efficaces grâce à un soutien financier approprié, créer et organiser de nouveaux formats de compétitions de haut niveau, et mettre en place des conditions de qualité pour former les futures générations d’athlètes forts et compétitifs. Afin de renforcer le mouvement olympique en Russie, des conditions préalables opportunes sont apparues, y compris des conditions économiques, pour élire un nouveau dirigeant et remanier l’équipe ».
Le propos est soigné. Un florilège d’éléments de langage. Mais, derrière le discours officiel, il n’est pas difficile de deviner une autre explication, nettement plus politique. Elle tient au timing de la décision de l’ancien escrimeur quadruple champion olympique au sabre, arrivé à la tête du ROC en 2018. Un timing à comparer avec celui du CIO.
En six années passées à la tête du ROC, Stanislav Pozdnyakov n’a jamais tempéré ses critiques envers l’instance olympique. Il a multiplié les déclarations contre le CIO et son président, estimant que les conditions imposées aux athlètes russes pour leur participation aux compétitions internationales, dont les Jeux de Paris 2024, étaient inacceptables et contraires à la Charte olympique.
Bras armé du Kremlin, Stanislav Pozdnyakov, 51 ans, a joué son rôle. Avec la perspective du départ de Thomas Bach et l’élection en mars prochain d’un nouveau président au CIO, il peut s’effacer. Il laissera les clefs du ROC à un dirigeant jugé plus apte à négocier avec le nouvel homme fort du mouvement olympique les conditions de la fin des sanctions et d’un retour de la Russie.
Qui ? Mystère. Les élections étant prévues en toute fin d’année, le ROC peut se donner du temps pour dénicher l’homme, ou la femme, de la situation. Mais il est acquis que le candidat retenu aura obtenu le feu vert du Kremlin.
Un signe ne trompe pas : Dmitry Chernyshenko, le vice-Premier minisitre russe, en charge notamment des questions relatives aux sports, à la culture et au tourisme au sein du gouvernement, a été le premier à commenter par la voie officielle l’annonce du départ de Stanislav Pozdnyakov.
« Des changements globaux sont en cours aujourd’hui dans le monde du sport et ils nous obligent à prendre des décisions stratégiques, a expliqué l’ancien président du comité d’organisation des Jeux de Sotchi 2014. Le président Vladimir Poutine a donné l’ordre de renforcer la souveraineté des sports nationaux.Il est nécessaire de renforcer la gestion verticale de l’industrie du sport, de consolider les aspirations et les ressources de tous les niveaux de gouvernement, des sociétés, des entreprises et des organisations publiques. »
Le message est clair : la Russie veut saisir l’opportunité offerte par les « changements en cours aujourd’hui dans le monde du sport » pour retrouver sa place. Avec Stanislav Pozdnyakov, la partie semblait perdue d’avance.