Le CIO aimerait la voir disparaître pour toujours du paysage. Il ne ménage pas ses efforts pour y parvenir. Mais l’Association internationale de boxe (IBA), écartée du mouvement olympique depuis plus d’une année, respire encore. Et elle ne manque pas de souffle.
L’instance présidée par le Russe Umar Kremlev a tenu samedi 7 décembre à Dubaï son congrès annuel. Elle l’a fait avec faste et clinquant, profitant l’occasion pour enrichir ses effectifs de six nouvelles fédérations, issues de pays ayant choisi de quitter la maison pour rejoindre World Boxing (Australie, Nouvelle-Zélande, Allemagne, Suède, République tchèque et Brésil).
A moins de quatre ans des Jeux de Los Angeles 2028, où la discipline n’est toujours pas inscrite au programme, la boxe semble plus divisée que jamais. Qu’en pensent les fédérations nationales ? Comment vivent-elles l’interminable conflit entre le CIO et l’IBA?
FrancsJeux en a interrogé l’une d’elles, la Fédération cap-verdienne de boxe, toujours membre de l’IBA, repartie des Jeux de Paris 2024 avec une médaille de bronze (photo ci-dessus). Son président, Manuel Amaro Rodrigues Monteiro, a répondu sans langue de bois.
FrancsJeux : Pour quelle raison restez-vous fidèle à l’IBA, malgré la pression du CIO pour rejoindre World Boxing ?
Manuel Amaro Rodrigues Monteiro : La réponse est très simple : il n’y a tout simplement aucune raison de quitter l’IBA. Je n’en vois aucune. Point final.
Vraiment ?
Oui. Il n’existe à mon sens aucune organisation internationale capable aujourd’hui de la remplacer. On cherche à détruire. Et détruire est facile. Mais il est plus compliqué de construire. Si l’IBA est défaite, nous aurons beaucoup de difficultés, dans le monde de la boxe, à créer une instance qui soit aussi performante que l’IBA actuellement. Il faut se souvenir de l’état où était la boxe amateur à l’époque de la reprise en main de l’AIBA par l’équipe actuelle. Elle était dans le coma. L’IBA a fait tout son possible pour la faire fonctionner. Elle a fait renaitre la boxe.
Avez-vous été contacté par World Boxing pour la rejoindre et quitter l’IBA ?
Il y a eu des messages, mais assez banals. Rien de direct. Boris van der Vorst (le président de World Boxing) ne m’a jamais appelé personnellement.
Comment gérez-vous les relations avec votre comité national olympique depuis la demande faite par le CIO de suspendre les fédérations nationales encore membres de l’IBA ? La présidente du Comité olympique cap-verdien, Filomena Fortes, est membre du CIO…
Nous ne sommes plus reconnus par le comité national olympique. Mais cette décision n’est pas récente. Elle remonte à plus d’une année. Il y a eu des messages, une forme de pression. Puis la suspension de la fédération de boxe.
Comment faites-vous, sur le plan financier notamment, sans le soutien du CNO ?
Ca ne change rien à notre fonctionnement et notre budget. Depuis deux ans que j’assure la présidence de la fédération de boxe, nous n’avons jamais reçu un sou du comité national olympique.
L’IBA insiste en toutes circonstances sur le soutien financier qu’elle apporte aux fédérations et aux boxeurs. Combien vous donne-t-elle ?
Pour l’instant, rien. Nous avons fait une demande et rempli un dossier. Il y a eu des promesses. Mais nous n’avons pas encore obtenu d’aide. Elle viendra, je ne suis pas inquiet. Nous avons changé de secrétariat, cela a ralenti la procédure. Il s’agit sans doute seulement d’un retard administratif.
Comment les boxeurs vivent-t-ils la division du monde de la boxe et l’incertitude quant à son avenir aux Jeux olympiques ?
Les boxeurs n’y pensent pas. Ils n’ont rien de tout cela en tête. Ils font leur boulot, ils s’entraînent pour les échéances à venir, en restant concentrés sur des compétitions plus immédiates. La route est longue pour un boxeur avant d’aller aux Jeux olympiques. Les athlètes ne pensent pas aussi loin et ils ont bien raison.
Pensez-vous que la boxe sera présente aux Jeux olympiques de Los Angeles 2028 ?
Oui. Je suis optimiste. Beaucoup de choses peuvent se passer d’ici là. Tout cela me semble être surtout un jeu politique, une forme de règlement de comptes. On a politisé la boxe. Ca n’est pas bien. Mais la boxe se pratique partout, tous les jours : dans la rue, dans les salles et les gymnases, dans les casernes, les académies… Dans la situation actuelle, ce sont les boxeurs qui payent. C’est regrettable.