Thomas Bach le répète comme un refrain depuis l’an passé, en privé comme en public : le mouvement olympique ne peut pas ignorer l’intelligence artificielle. Elle jouera un rôle majeur dans son avenir. Encore flou, certes, mais décisif.
Le président du CIO l’évoque le plus souvent au futur, comme une réalité à saisir sans tarder. Sebastian Coe, qui ambitionne de lui succéder l’an prochain dans le vaste bureau présidentiel de la Maison olympique, peut en parler au présent.
World Athletics a dévoilé les résultats et les conclusion d’un travail de quatre ans mené lors des deux événements majeurs de l’athlétisme – les Jeux olympiques et les championnats du monde – sur les abus et le harcèlement dont sont victimes les athlètes sur les réseaux sociaux.
Conduite avec l’aide d’un outil de pointe, le Threat Matrix, piloté par la société Signify Group, l’enquête est la première réalisée par une fédération internationale sur une période aussi longue. Elle couvre les Jeux de Tokyo 2020 et Paris 2024, et les championnats du monde 2022 à Eugene et 2023 à Budapest.
Que faut-il en retenir ? Une poignée de chiffres, d’abord. Massifs, pour l’essentiel, à l’image de l’activité sur les plateformes numériques des meilleurs athlètes du monde.
Au total, World Athletics et son outil, Threat Mix, ont analysé sur les quatre événements plus de 1,4 million de messages ou de commentaires postés dans une quarantaine de langues sur les réseaux sociaux. Ils concernaient potentiellement les 2.438 athlètes participant aux championnats du monde d’athlétisme et/ou aux Jeux olympiques.
Aux Jeux de Paris 2024, 1.917 athlètes et officiels possédant au moins un compte actif ont été surveillés, soit près de 12 fois plus que trois ans plus tôt aux Jeux de Tokyo. Au Japon, l’étude portait seulement sur Twitter. En France, elle a été étendue également à Instagram, Facebook et TikTok. A Tokyo 2020, 240.707 posts ont été saisis et analysés. A Paris 2024, Threat Mix en a mouliné 355.873.
Voilà pour les chiffres. Les conclusions, maintenant. Elles ne manquent pas de surprises. La première : en quatre années d’analyse, World Athletics a découvert que les abus en ligne étaient nombreux, c’était attendu, mais qu’ils visaient un petit nombre d’athlètes, ça l’était moins.
Aux Jeux de Paris 2024, sur les plus de 350.000 messages saisis par l’IA sur X, Instagram, Facebook et TikTok, 809 se sont révélés abusifs. Mais l’immense majorité d’entre eux (82 %) concernait seulement deux athlètes.
Même découverte pour les Jeux de Tokyo 2020, où seulement 132 posts ont été jugés abusifs, sur les 240.707 analysés. Mais plus de la moitié d’entre eux (63 %) visaient deux athlètes, féminines toutes les deux.
Autre conclusion de l’enquête : la haine et les insultes ne faiblissent pas avec le temps. World Athletics explique que trois des cinq athlètes les plus harcelés sur les réseaux aux championnats du monde 2023 à Budapest figurent encore, une année plus tard, dans le top 5 établi par Threat Mix aux Jeux de Paris 2024.
L’instance mondiale de l’athlétisme le souligne : son enquête n’a pas seulement une vocation statistique. Elle vise surtout à protéger les athlètes. « Le bien-être des athlètes est au sommet de notre liste de priorités, et nous continuerons à mettre en place des mesures pour veiller à ce qu’ils puissent s’engager en toute confiance et en toute sécurité sur les plateformes de médias sociaux », insiste Sebastian Coe.
Comment ? Au cours des quatre années de son étude, World Athletics a signalé plus d’un millier de messages abusifs (1.258) aux plateformes concernées. Elle a pointé et dénoncé 254 comptes à l’origine de contenus abusifs ou menaçants.
Surtout, l’instance a offert son aide et ses ressources aux athlètes les plus visés sur les réseaux sociaux. Vingt-cinq d’entre eux ont bénéficié, tout au long de l’année olympique, d’une protection par l’intelligence artificielle. Elle sera étendue au cours des prochaines années.
Enfin, deux cas jugés « graves » ont été portés à la connaissance des autorités, après identification des comptes et collecte de preuves.