Il était temps. Un peu plus de trois mois après avoir dévoilé la liste des sept candidats à sa présidence, le CIO a (enfin) coché une nouvelle case sur le très maigre calendrier de la campagne. Il a publié, jeudi 19 décembre, les manifestes des postulants à la succession de Thomas Bach. Les « documents de candidature », selon l’expression de l’instance, sur lesquels les uns et les autres vont s’appuyer lors du grand oral de 15 minutes devant les membres, le 30 janvier 2025 à Lausanne.
Le CIO le précise : ils ont tous été reçus avant la date butoir. Un bon point pour les candidats. L’instance rappelle également que leur publication en ligne « est un aspect important de la transparence et de la bonne gouvernance dans le cadre de l’élection à la présidence. » Sûr. Le public et les médias pourront ainsi se faire une idée des projets de chacun, souligne-t-elle.
Que faut-il en retenir ? Beaucoup de choses. On s’y attendait. Le contraire aurait été inquiétant pour l’avenir du mouvement olympique.
Moins attendu : les programmes des candidats se révèlent parfois plein de surprises. Et même un peu plus que cela. Au moins l’un d’entre eux mérite la palme de l’audace, en proposant une véritable révolution dans l’organisation des Jeux olympiques.
La forme, d’abord. Elle n’est pas le plus important dans une campagne dont l’issue est censée engager l’avenir du mouvement pour au moins huit ans, et sans doute quatre de plus. Mais elle ne peut pas être ignorée.
Trois des candidats, seulement trois sur les sept, présentent leur document de candidature en trois langues : anglais, français et espagnol. David Lappartient, Feisal Al Hussein et Kirsty Coventry ont fait l’effort. Ca n’est jamais anodin. Juan Antonio Samaranch a privilégié l’anglais et l’espagnol. Johan Eliasch, Sebastian Coe et Morinari Watanabe ont fait plus court, avec une version anglaise et rien de plus. Auraient-ils oublié Pierre de Coubertin ?
Toujours sur la forme, les manifestes affichent des écarts de longueur qui en disent long sur la capacité des postulants à savoir faire court. Morinari Watanabe a résumé sa vision et son programme en cinq pages. Très fort. A l’autre bout du banc, Juan Antonio Samaranch en a eu besoin d’une quarantaine pour exprimer les siens. Les cinq autres ont choisi une voie médiane en exposant leurs idées sur une vingtaine de pages.
Le fond, maintenant. Difficile à résumer, tant les candidats ont bossé leur sujet et tenté, parfois avec succès, de concilier le convenu et le plus personnel, les passages obligés (durabilité, héritage, inclusion…) et les idées nouvelles, le blabla et le concret. Mais quelques points ressortent du lot.
Sebastian Coe, le plus âgé du groupe (il a eu 68 ans le 29 septembre), veut dépoussiérer le principe de l’élection. Le Britannique propose d’être élu pour un mandat initial de quatre ans – contre huit dans le format actuel -, puis de remettre sa présidence en jeu lors d’un référendum. Il demanderait alors aux membres de se prononcer par vote sur son bilan pour décider, ou pas, de lui conserver leur confiance. Pourquoi pas.
Juan Antonio Samaranch suggère de relever l’âge limite pour conserver son statut de membre du CIO, actuellement fixé à 70 ans, pour le faire passer à 75 ans. Un bon moyen, selon l’Espagnol, de ne pas « perdre arbitrairement les bénéfices de l’expérience et de la connaissance. » Il souhaite également que la sélection de la ville hôte des Jeux, été comme hiver, ne soit plus le privilège de la commission exécutive – avec une simple ratification par la session -, mais revienne aux membres du CIO. En clair, un retour à l’ancienne formule d’une vote à plusieurs choix.
Feisal Al Hussein suggère, lui aussi, de relever à 75 ans l’âge limite pour les membres du CIO. Le Jordanien propose également la mise en place d’un « Agenda olympique 2036 », où il serait notamment question de revoir le format des Jeux de la Jeunesse, pour en faire un mixte entre un événement sportif et un festival culturel.
Kirsty Coventry joue la carte des athlètes. Pas vraiment un scoop. L’ancienne nageuse du Zimbabwe, souvent présentée comme la candidate de Thomas Bach, reprend également certaines des priorités du dirigeant allemand, dont l’importance de l’intelligence artificielle et l’urgence d’engager les nouvelles générations, via les réseaux sociaux et les sports électroniques.
Johan Eliasch, le candidat surprise de la campagne, veut revoir en profondeur le format et le programme des Jeux. Pas moins. Il annonce, en cas de victoire, « un examen de tous les sports et de tous les formats afin de maximiser leur attrait pour les fans ». Belle bataille en perspective dans les couloirs du mouvement olympique.
David Lappartient se révèle le plus concret du peloton. Comme ses rivaux, le Français ne s’interdit pas de reprendre à son compte les grandes priorités du moment, répétées en toutes circonstances, mais il ajoute des idées plus personnelles. Citons, en vrac, une diminution du nombre des commissions du CIO, une hausse du nombre des membres de l’instance pour accorder une plus grande place aux athlètes, et la tenue d’un Congrès olympique qui réunirait tous les acteurs du mouvement. Autres propositions : la parité parmi les membres à échéance 2036 et des Jeux olympiques en Afrique.
Le meilleur pour la fin. Morinari Watanabe ne mérite pas seulement la palme de la concision, avec un programme en cinq pages. Le Japonais peut prétendra également au maillot du plus audacieux. Son idée : des Jeux olympiques organisés simultanément dans cinq villes sur les cinq continents, en continu, 24 heures sur 24, avec 10 sports par ville-hôte pour un total record de 50 sports. La même formule serait reproduite aux Jeux d’hiver. Avantage : un coût réduit pour chacun des organisateurs et une ouverture vers des pays jusque-là absents de la carte. Les Jeux du monde entier. Fallait oser.