La hache de guerre ne sera pas enterrée de sitôt. Les États-Unis n’ont pas payé leur contribution à l’Agence mondiale antidopage (AMA) pour l’année 2024. Un impayé conséquent, évalué à 3,6 millions de dollars. Pas anodin car les États-Unis sont le premier contributeur de l’agence, devant le Canada et le Japon. La tendance n’est pas à l’apaisement puisque quatre élus ont présenté un projet de loi au Congrès afin que le Bureau de la politique nationale de contrôle des drogues (ONDCP) puisse maintenir le robinet fermé.
Une « gouvernance crédible » ou rien
La sénatrice républicaine du Tennesse, Marsha Blackburn, est à l’origine de ce projet de loi, qu’elle porte avec le sénateur du Maryland Chris Van Hollen et deux élus à la Chambre des Représentants, le Républicain John Moolenar (Michigan) et le Démocrate Raja Krishnamoorthi (Illinois). Une proposition transpartisane, qui trouvera donc un écho dans les deux partis qui dominent la vie politique américaine. Le « Restoring Confidence in the World Anti-Doping Agency Act » consiste à charger l’ONDCP d’un examen de 90 jours sur le fonctionnement de l’AMA.
L’agence dispose-t-elle d’un « modèle de gouvernance crédible et indépendant qui assure une représentation équitable des États-Unis » ? Met-elle en œuvre des réformes de gouvernance, « y compris une politique adéquate en matière de conflits d’intérêts » ? Permet-elle aux « athlètes indépendants des États-Unis et d’autres pays démocratiques, ou à leurs représentants », d’avoir un rôle décisionnel au sein des comités et des groupes de travail qui font vivre l’agence ?
Si l’étude conclut que ces conditions ne sont pas réunies, l’ONDCP, « en consultation avec les comités appropriés du Congrès, peut volontairement retenir jusqu’au montant total des cotisations à l’Agence mondiale antidopage ». Pas un bon signal pour l’AMA alors que les États-Unis sont censés verser 3,8 millions de dollars au titre de l’année 2025, soit un peu plus de 7% du budget de l’instance.
Les JO 2034 comme levier de négociation ?
Les États-Unis maintiennent la pression depuis le contrôle positif par contamination de 23 nageurs chinois peu avant les Jeux de Tokyo, bien que la gestion de cette affaire n’ait pas révélé d’irrégularités selon un procureur indépendant. Face à ce refus de paiement, l’AMA a menacé de retirer aux États-Unis leur siège au sein de son comité exécutif. « L’Agence mondiale antidopage a tenté d’intimider les défenseurs du fair-play, et ses responsables ont également fait obstruction et menti au Congrès, dénonce la sénatrice Blackburn sur son site. Nous ne nous laisserons pas réduire au silence dans le cadre de notre mission de promotion du fair-play dans le sport. L’AMA doit faire l’objet d’une surveillance et d’une responsabilisation réelles, et cela commence par l’adoption de cette loi. »
Son collègue, le sénateur Van Hollen, embraye : « Pendant trop longtemps, nous n’avons pas eu l’assurance que tous les athlètes sont soumis aux mêmes normes, en raison de l’incapacité de l’AMA à assurer la transparence et la responsabilité lorsqu’il s’agit d’appliquer des mesures antidopage. Notre projet de loi bipartisan et bicaméral contribuera à rétablir la confiance dans le fait que les athlètes du monde entier jouent sur un pied d’égalité et à garantir l’intégrité des Jeux olympiques et paralympiques. » Cette proposition de loi est soutenue par l’Agence américaine antidopage (USADA). Son président, Tyler Tygart, a justement salué la suspension du financement au nom de la protection de l’équité. « L’adoption de cette législation sera d’autant plus importante que les États-Unis accueilleront de nombreux événements majeurs au cours de la prochaine décennie, notamment la Coupe du monde de la FIFA 2026 et les Jeux olympiques et paralympiques 2028 et 2034 », pointe-t-il.
Le sport américain est uni dans ce combat puisque Joel Rosinbum et Greta Neimanas, membres de la commission des athlètes du Comité olympique et paralympique (USOPC), ont également apporté leur soutien à ce projet de loi. Le bras de fer est entamé, et les États-Unis n’affichent aucune intention de faire de concessions. Comment en sortir ? Le CIO aura sans doute un rôle à jouer, et l’identité de son futur président annoncera la couleur. David Lappartient a évoqué le sujet il y a quelques jours, rappelant que l’attribution des Jeux d’hiver 2034 à Salt Lake City était conditionnée au respect de l’autorité de l’AMA. Assurément un point sensible, qui finira peut-être par pousser les USA vers le dialogue… mais pas dans l’immédiat.