— Publié le 31 janvier 2025

Les enseignements du grand oral des candidats au CIO

Institutions Focus

Le moment phare de la campagne a eu lieu jeudi matin à Lausanne. Les sept candidats au poste de président du Comité international olympique sont passés tour à tour devant les membres de l’instance pour exposer leur projet, quinze minutes durant, pour essayer de convaincre. S’en est suivi un point presse qui a permis à chacun de débriefer et de marteler les idées fortes de leurs programmes respectifs. FrancsJeux vous résume cette matinée, qui était probablement l’apogée de la campagne.

Se poser en leader

Un mot est revenu dans la bouche de la plupart des candidats au moment de se présenter devant les journalistes : leadership. David Lappartient a ainsi assuré qu’être président du CIO était « avant tout une question de leadership ». Le Prince Feisal Al Hussein a particulièrement insisté dessus, citant toutes les années qu’il a dédiées au service militaire pour renforcer sa stature. « Il faut beaucoup plus de courage pour faire ce qui est juste que pour faire ce qui est populaire », a-t-il souligné en citant son père, l’ancien roi de Jordanie. Le Prince s’est dit prêt à « affronter des obstacles et prendre des décisions difficiles » pour construire « un chemin vers un avenir plus inclusif, équitable et inspirant pour le Mouvement olympique ».

Johan Eliasch a mis en avant ses expériences plurielles dans le monde des affaires (il a fondé un groupe d’investissement, Equity Partners, en 1991), au sein des institutions sportives (il dirige la FIS depuis 2021), et son engagement environnemental via l’ONG Cool Earth. Il a ainsi appelé à ce que l’élection couronne « la personne la plus qualifiée » et qu’elle ne se résume « pas un concours de popularité ». Le Suédois d’origine compte notamment s’appuyer sur ses connaissances en matière de business pour « s’adapter aux mutations constantes » du milieu du sponsoring et proposer une vraie valeur ajoutée aux entreprises partenaires après que Toyota, Panasonic et Bridgestone aient décidé de lâcher le CIO. Stratégie similaire pour Juan Antonio Samaranch Jr, qui a rappelé sa longue expérience au sein du mouvement olympique et le succès de l’entreprise qu’il a fondée dans l’industrie financière, « toujours présente sur trois continents ». Un profil qu’il estime cohérent pour booster le « moteur commercial » du CIO.

Roulez jeunesse

L’attractivité des Jeux pour le public jeune était également au cœur des exposés. Sebastian Coe en a parlé, comme le Prince Feisal, qui compte mettre l’accent sur l’intégrité pour « reconquérir la confiance et ce sentiment de pertinence auprès des jeunes ». Le candidat jordanien aimerait ainsi « impliquer la jeunesse du monde au-delà de la période des Jeux olympiques, tout au long de la période quadriennale » afin d’entretenir la flamme. Pour Kirsty Coventry, attirer les nouvelles générations passera par le téléphone. Elle y voit « leur point de départ pour se connecter à nous », et « la possibilité pour nous de nous connecter à eux ». L’ancienne nageuse mise sur le développement de la diffusion en streaming dans cette optique.

Puisqu’il s’agissait de se démarquer, David Lappartient a rappelé son envie de voir les Jeux olympiques sur le continent africain : « Les Jeux olympiques doivent aussi venir en Afrique. Je n’ai pas fixé d’échéance, mais l’idée est qu’il y ait une attribution dans la durée du mandat du président, huit ans, potentiellement renouvelable une fois. L’Afrique les mérite. » Le Prince Feisal a fait part de son souhait d’ « explorer la flexibilité des dates du calendrier des Jeux olympiques », mais le plus révolutionnaire était encore Morinari Watanabe avec son projet d’organiser les JOP sur cinq continents en même temps. « Ce qui permettra au CIO de proposer les meilleures conditions possibles pour chaque sport et pour les athlètes, de réduire le fardeau financier pour les pays hôtes et d’ouvrir d’avantage d’opportunités commerciales », argumente-t-il.

Kirsty Coventry, souvent présentée comme la candidate de Thomas Bach, a mis en avant son parcours singulier d’ex-athlète, guidée par son rêve olympique depuis son enfance au Zimbabwe. Les sportifs sont au cœur de sa vision : parmi ses idées, la mise en place de programmes pour mieux soutenir les athlètes et les aider à financer leur projet, avant même qu’ils atteignent les JOP. Juan Antonio Samaranch Jr a de son côté déclaré son intention de « recentrer les relations avec les médias », en qui il ne voit « pas des ennemis », sous-entendant davantage de transparence. « Si je deviens président du CIO, j’aurai ça à l’esprit, vous pourrez compter sur moi », a-t-il assuré.

L’art de l’esquive

Les sujets chauds se sont inévitablement invités dans la séance de questions-réponses avec la presse. Plusieurs candidats ont été interrogés sur la réintégration des athlètes russes. Johan Eliasch veut appliquer aux Jeux de Milan-Cortina 2026 le schéma établi pour les Jeux de Paris 2024. « Dans les circonstances actuelles, le programme de neutralité des athlètes a bien fonctionné à Paris. Aucun athlète ne peut choisir son lieu de naissance », a-t-il rappelé. David Lappartient a aussi été invité à préciser sa position. S’il juge que la Russie « a vocation, à terme, à revenir dans la famille olympique », il estime que ce n’est pas encore à l’ordre du jour. « Ces sujets là doivent être préalablement résolus avant que des décisions puissent être prises », a-t-il prévenu en référence à la violation de la trêve olympique et à l’intégration de territoires ukrainiens dans les statuts du ROC. Le Prince Feisal n’a pas souhaité se mouiller dans le bras de fer opposant les États-Unis à l’AMA, dont il a salué le travail et l’efficacité. Pas de risque non plus sur le flou entourant l’avenir olympique de la boxe, un dossier où il suit la position du CIO : il « adorerait » voir la boxe au programme à Los Angeles, mais insiste sur la capacité d’une fédération internationale à « en accepter la responsabilité » après la mise au ban de l’IBA.

Kirsty Coventry a aussi été bousculée sur le ring. Elle faisait en effet partie du comité qui a validé la participation de Lin Yu-ting et Imane Khelif aux Jeux de Paris 2024 alors que l’IBA, se basant sur un test de genre, avait disqualifié les deux boxeuses des Championnats du monde 2023. Face aux polémiques, la presse l’a invitée à s’expliquer. « C’est un sujet compliqué. On gérerait peut-être les choses différemment si on revenait en arrière », a-t-elle répondu, pointant que le problème ne s’était pas manifesté avant – Lin et Khelif avaient boxé aux JO 2020, sans soulever une telle polémique. « En tant que sportive, vous voulez être sur un terrain d’égalité. Notre travail est de créer un tel environnement. Nous allons tirer des enseignements et mettre en place de meilleures réglementations avec le temps », a promis la candidate. Convaincant ? On le saura en mars.