— Publié le 7 février 2025

« La cavalière fait le lien entre l’univers olympique et celui de la mode »

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La cavalière au cheval d’argent avait illuminé la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024, remontant la Seine avec une grâce inoubliable. Sa tenue est exposée au Palais Galliera, dans le 16e arrondissement de Paris, à partir de samedi dans le cadre du troisième accrochage de l’exposition collections La Mode en mouvement (jusqu’au 12 octobre). Une pièce unique qui fait la fierté du musée, comme nous le confie Marie-Laure Gutton, commissaire de l’exposition.


FrancsJeux : Pouvez-vous présenter le projet La Mode en mouvement ?

Marie-Laure Gutton : Il s’agit d’une exposition collections, un format qui présente une histoire de la mode à travers une thématique spécifique – ici, le rapport entre le vêtement, le corps et le mouvement. On suit une histoire de la silhouette et, pour chaque période, nous avons des vêtements qui sont en lien avec la pratique d’une activité physique ou sportive. On essaye d’aborder la question de la contrainte, ou au contraire de la liberté de mouvement, par le vêtement. Il y a une double lecture entre le vestiaire quotidien, ce que l’on va porter tous les jours, et la manière dont ce vêtement va s’adapter, se spécialiser, devenir plus technique, et rentrer dans les garde-robes de tous les jours au fur et à mesure des siècles.

Le deuxième volet de l’exposition présentait par exemple un maillot de l’équipe de France de football au nom de Kylian Mbappé. Qu’est-ce qui faisait la pertinence de cette pièce ?

Elle y sera toujours ! C’est un peu la conclusion du parcours chronologique. On démarre par une vitrine consacrée au XVIIIe siècle qui montre qu’à l’origine, la pratique physique se fait avec des vêtements de tous les jours. Petit à petit, ce vêtement se spécialise, se raccourcit, des matériaux techniques apparaissent et on voit émerger des vêtements dédiés à la pratique du sport. Le phénomène inverse se met aussi en place : des vêtements sportifs, techniques, vont être utilisés dans la vie de tous les jours. Ce maillot de foot, un vêtement technique porté par les joueurs, est aussi porté dans la rue par des non-sportifs qui le portent comme un vêtement quotidien, sans utiliser la technicité du vêtement, mais pour ce qu’il représente.

Qu’est-ce qui distingue le troisième volet de l’exposition par rapport aux deux précédents ?

Nous avions mis un focus sur le balnéaire, les bains de mer et la pratique de la natation lors de notre deuxième accrochage. Cette fois, c’est un focus consacré aux sports d’hiver. On montre l’évolution des tenues de la fin du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Il y a notamment une tenue de station de la fin du XIXe, qui pouvait être portée pour le patinage ou plus vraisemblablement pour la pratique du traîneau, une très belle série de vêtements des années 20-30, la période où émergent les stations de ski, et des patins à glace du tout début du XIXe siècle. On renouvelle beaucoup les œuvres, avec quelques prêts du Musée national du sport ou de la Fondation Alaïa.

Sans oublier la tenue de la cavalière de la cérémonie d’ouverture de Paris 2024 !

Effectivement, on a la chance d’avoir fait entrer dans nos collections la cavalière de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris. Elle ouvre le parcours dans la vitrine d’introduction. Ça nous semblait important de la mettre en valeur et d’ouvrir la thématique par cette pièce, qui est devenue un emblème des Jeux de Paris. Elle fait le lien entre cet univers sportif, olympique, qui a un rayonnement international très fort, et l’univers de la mode, notamment de la mode parisienne. Elle est l’œuvre d’une jeune créatrice, Jeanne Friot, et d’un artisan du cuir, Robert Mercier, qui sont sur le devant de la mode parisienne et qui se retrouvent ici dans un contexte sportif et événementiel international. C’est une pièce qui a tellement marqué la cérémonie, elle est devenue iconique. On l’a vue sur la Seine et au Trocadéro, face à la tour Eiffel, il y a un lien extrêmement fort avec Paris. On est très heureux de pouvoir la présenter.

« C’est une pièce qui, par le symbole et par la création en elle-même, est remarquable. Quelque chose de spectaculaire transparaît par cette silhouette. Avec le drapeau olympique qui flottait dans son dos, c’est extrêmement fort de sens et de mode. »

Elle vous avait tapé dans l’œil dès la cérémonie d’ouverture ?

Oui parce qu’elle est à la fois très contemporaine, par les matières, par cette allure, et pleine de références à un personnage historique, à quelque chose lié à l’armure. Elle est très signifiante pour la création de Jeanne Friot. C’est une pièce qui, par le symbole et par la création en elle-même, est remarquable. Quelque chose de spectaculaire transparaît par cette silhouette. Avec le drapeau olympique qui flottait dans son dos, c’est extrêmement fort de sens et de mode.

Les négociations ont-elles été difficiles pour pouvoir la présenter ?

Mon collègue a fait ça très bien ! Différents musées se sont positionnés pour faire entrer dans leur collection des pièces en lien avec les Jeux, donc il fallait se mettre d’accord. On était en discussion avec Paris 2024, qui voyait bien l’intérêt de faire entrer cette pièce dans une collection publique. Nous sommes un musée de la ville de Paris, nos collections sont municipales, donc avoir cette pièce qui incarne Paris 2024, qui a circulé sur la scène, c’était chargé de sens. La réponse positive est arrivée en décembre. On trouvait important d’avoir quelque chose de Paris 2024, surtout que l’exposition La Mode en mouvement a été imaginée pour répondre à cet événement des Jeux olympiques.

Au-delà de cette tenue, vous estimez que les JOP 2024 ont été inspirants pour la mode ?

Il y avait une vraie émulation internationale au cœur de Paris. On a vu un parti pris artistique lors de la cérémonie. Une place importante a été laissée à la création de mode avec, par exemple, Jeanne Friot ou Germanier. Évidemment, cet événement a eu un impact sur la mode, parce qu’il a eu un impact sur Paris et que Paris est intrinsèquement liée à cette histoire de la mode et à la mode contemporaine. Ces JO ont nourri beaucoup de choses.