
Face au réchauffement climatique, le biathlon et les autres sports d’hiver sont confrontés à un immense défi. L’IBU a établi un plan d’action qui lui a permis de réduire ses émissions carbone de 7% entre 2022-2023 et 2023-2024. Le dernier rapport de soutenabilité de l’instance souligne aussi que 71 % des comités d’organisation ont diminué leur impact environnemental en 2023-2024 par rapport à la saison précédente. Max Cobb, secrétaire général de l’IBU, se livre sur l’approche de la fédération dans la deuxième partie de son entretien avec Francs Jeux.
Comment construire l’avenir d’un sport de neige dans un monde qui ne fait que se réchauffer ?
C’est un grand défi, que l’on prend très au sérieux. La durabilité est un élément central de notre stratégie. Nous avons l‘objectif de réduire notre empreinte carbone de 50 % et d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2030. C’est un objectif très ambitieux. On ne l’atteindra peut-être pas, mais il faut se fixer des objectifs que vous n’êtes pas sûr d’atteindre. Cela nous pousse à travailler de manière très agressive. D’un point de vue pratique, nous avons aussi formé notre snow network pour réunir toutes les personnes qui s’occupent de la neige dans les comités d’organisation réguliers, partager des informations sur la manière dont ils stockent la neige pendant l’été, dont ils travaillent pendant l’hiver pour offrir les meilleures conditions aux athlètes (depuis le lancement du réseau en 2021, les sites ont réduit leurs besoins de 2.600 m3 de neige en moyenne par an, ndlr).
Les organisateurs en Finlande ont été des pionniers en matière de stockage de la neige il y a une vingtaine d’années. Ils ont réalisé que la meilleure façon pour eux d’assurer des conditions de ski dès le début de la saison était de faire de la neige pendant la période la plus froide de l’hiver puis de la recouvrir de copeaux de bois pour l’isoler. Quand vous fabriquez de la neige à la période la plus froide de l’année, l’efficacité est maximale en termes de besoin d’électricité et d’eau. Notre sport a cette solution : tant que nous avons une semaine de températures froides chaque hiver, nous serons capables d’assurer de la neige pour les compétitions de l’hiver suivant. On va s’appuyer là-dessus pour les vingt prochaines années. Personne ne sait exactement ce qui se passera au niveau climatique, mais je crois que nous devrions être tranquilles pour les vingt années à venir.
À Pokljuka, Emilien Jacquelin a critiqué les conditions de neige et s’est dit favorable à ce qu’il y ait moins de semaines de compétition pendant la saison. Qu’en pensez-vous ?
Le problème fondamental est notre capacité à générer des revenus, qui reviennent en grande partie aux fédérations et aux athlètes via le prize money. Environ 80 % des revenus sert à soutenir les fédérations et les athlètes. Si nous avons moins d’événements, nous aurons moins de revenus. Voilà l’équation. Pour le moment, nous avons 70 compétitions en Coupe du monde. Nous ne pensons pas pouvoir compresser le calendrier beaucoup plus. Les athlètes et les coachs ont été clairs, on peut difficilement aller plus loin car il faut leur laisser des périodes pour qu’ils s’entraînent, en fin d’année ou avant les Championnats du monde. La question serait : accepterions-nous une baisse des revenus de 10 % en réduisant le calendrier ? Je ne pense pas que les fédérations nationales seraient d’accord. C’est une question d’équilibre. Il faut aussi rappeler que c’est très dur de prédire quand la météo sera mauvaise. Parfois, le début du mois de mars est super en termes de conditions, là ce n’était pas le cas. Pour l’instant, notre communauté est plutôt satisfaite.
💬 Émilien Jacquelin : « Depuis quelques semaines, l'IBU prend peut-être la mauvaise direction. (…) Quand on fait des week-end comme ça, il faut se poser la question "Qu'est-ce qu'on doit faire ? Quelle image on veut montrer de notre sport ?" » #lequipeBIATHLON pic.twitter.com/heBgfiPTom
— la chaine L'Équipe (@lachainelequipe) March 13, 2025
Avoir plus de courses génère plus de revenus, mais est-ce que ce n’est pas moins pertinent en termes de responsabilité et d’empreinte climatique ?
En réalité, nous n’augmentons pas le nombre de compétitions, même avec le nouveau calendrier. Nous avons dix étapes de Coupe du monde, plus les Championnats du monde, mais le nombre de courses reste le même. Par ailleurs, nous avons réduit la fréquence des Championnats du monde de biathlon d’été, qui représentent une empreinte carbone assez importante. Désormais, ils n’ont plus lieu chaque année mais tous les deux ans.
Il y aura cependant dix étapes de Coupe du monde en 2026-2027, contre neuf lors de la saison écoulée, et cela fait une grosse différence en matière d’impact carbone compte tenu des déplacements induits.
Oui, c’est juste. La première manche de Coupe du monde se déroule habituellement sur deux week-ends et en conséquent, nous déplaçons les quatre compétitions habituellement organisées lors du premier week-end (généralement des relais, ndlr) vers le week-end du Jour de l’an. Nous donnons la priorité à la logistique pour les athlètes et les équipes qui se déplacent d’un événement à un autre. Nous avons essayé d’être réfléchi économiquement et aussi respectueux de l’environnement que possible par rapport au bloc de compétitions en janvier. Les distances sont relativement courtes entre les différents sites pour faciliter les déplacements et limiter les besoins de voyages aériens. En repoussant les Championnats du monde de biathlon d’été tous les deux ans, nous aurons une réduction nette de notre impact, même les années où les athlètes courront lors de ce week-end supplémentaire.
« Les athlètes se challengent en se fixant des objectifs qu’ils ne pensent pas pouvoir atteindre. En tant qu’organisation, nous devons adopter cette philosophie. »
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L’IBU a mis en place une stratégie de durabilité pour la période 2020-2030. Vous êtes satisfait de votre position à mi-chemin ?
Oui et non. Nous avons réalisé que le principal enjeu est le déplacement des fans (73% des émissions carbone des événements de l’IBU, ndlr). Nous avons volontairement changé nos objectifs pour orienter les efforts dans ce sens. Le comité d’organisation de Ruhpolding a réussi à limiter son empreinte carbone en réduisant le nombre de spectateurs. C’est un bon exemple : ils ont trouvé un modèle économique qui fonctionne mieux pour eux car plus vous accueillez de fans, plus vous devez dépenser pour créer des infrastructures, gérer les flux, etc. Si vous baissez le nombre de tickets que vous vendez mais que vous diminuez vos coûts ailleurs, vous pouvez réduire votre empreinte carbone de manière cohérente. Cela n’enlève rien à l’ambiance incroyable qui règne à Ruhpolding.
Nous essayons d’encourager les organisateurs à inclure les transports publics dans les tickets pour les compétitions. Tous les transports urbains de Munich seront accessibles gratuitement pour les personnes qui auront un ticket pour le Loop One Festival. En Suisse, à Coire, le transport était gratuit jusqu’au site de Lenzerheide pour les détenteurs d’un ticket. Nous encourageons les organisateurs à réfléchir aux moyens de déplacement les plus efficaces pour les fans. Atteindre notre objectif dépendra de la façon dont la société adopte des moyens de transport à faible émission de carbone pour assister à nos événements : des véhicules électriques ou hydrogène, un usage accru des transports en commun, etc. Cela n’est pas totalement sous notre contrôle, nous l’acceptons. Mais nous voulons être en première ligne, nous challenger, nous mais aussi notre communauté, les fédérations nationales et les fans pour nous aider à réduire notre empreinte. Les athlètes qui réussissent disent toujours qu’ils se challengent en se fixant des objectifs qu’ils ne pensent pas pouvoir atteindre. En tant qu’organisation, nous devons adopter cette philosophie.