— Publié le 28 avril 2025

Tests capillaires, contaminations, dopage génétique : l’AMA joue la pédagogie

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Largement critiquée, notamment aux Etats-Unis, dans l’affaire des nageurs chinois, l’Agence mondiale antidopage a de nouveau fait l’objet d’interrogations sur la gestion du dossier Jannik Sinner. Le 15 février, l’AMA a annoncé qu’elle avait conclu « un accord de règlement de cas » selon lequel le tennisman italien serait suspendu trois mois. Le timing et la clémence de cette sanction ont soulevé des questions puisque le numéro 1 mondial ne manquera aucun tournoi du Grand Chelem. Olivier Rabin, directeur science et médecine de l’AMA, s’est longuement expliqué à l’antenne de RMC pour répondre à ces doutes et assurer de l’engagement de l’agence, sur tous les fronts.

« Le rôle de l’AMA n’est pas de sanctionner de façon obsessionnelle »

Jannik Sinner aurait-il bénéficié d’un traitement de faveur ? « L’athlète devait être sanctionné sous les règles du code mondial antidopage, ce qui a été le cas, souligne Olivier Rabin, lancé dans un exercice de pédagogie peu commun. La sanction a été ajustée au regard des informations scientifiques et médicales qui étaient disponibles. (…) La situation à laquelle il a fait face, avec une réduction de la sanction normative, a été appliquée précédemment dans plusieurs dizaines de cas et correspond à une disposition du code mondial antidopage lorsque la sanction est jugée trop stricte au regard des faits. » Le joueur a plaidé la contamination accidentelle à cause d’un spray de massage. « Le rôle de l’AMA n’est pas de sanctionner les athlètes de façon obsessionnelle. Ce n’est absolument pas l’esprit dans lequel on travaille », ajoute l’expert, en précisant qu’il révisait les faits « quasiment tout le temps de façon complètement anonyme ».

Il a ensuite été interpellé par Jean-Claude Alvarez, professeur en pharmacologie et en toxicologie, qui s’est basé sur des analyses capillaires pour défendre Simona Halep ou Iga Swiatek. Une technique qui a « beaucoup d’avantages mais aussi beaucoup d’inconvénients » selon Olivier Rabin : « On travaille avec un certain nombre de spécialistes dans le domaine de l’analyse capillaire. On se doit de prendre en compte certaines restrictions dans les interprétations d’analyse capillaire si on veut une rigueur scientifique suffisante pour analyser ces cas de dopage comme nous le faisons à l’AMA. Quand on trouve de fortes concentrations, oui, on peut avoir un certain nombre d’informations très utiles. Parfois, ne rien trouver ne veut pas dire du tout qu’il n’y a rien eu, que rien ne s’est produit. C’est là qu’il faut raison garder. Les analyses urinaires ne sont pas parfaites, les analyses sanguines non plus et, de même, les analyses capillaires peuvent apporter des informations utiles, mais pas toujours. »

Le dopage génétique, « une menace réelle »

Autre sujet mis sur la table : l’attention accordée aux performances hors norme, avec l’exemple cité de Tadej Pogacar en cyclisme. « Oui, les performances exceptionnelles attirent toujours l’attention, assure Olivier Rabin. Ça ne veut pas forcément dire qu’il y a dopage derrière. (…) Il faut aussi garder à l’esprit, je prendrais les Jeux de Londres comme référence, qu’on a la possibilité de garder des échantillons pendant dix ans et de faire des analyses rétrospectives. On a des méthodes aujourd’hui assez avancées, mais pas suffisamment validées pour les appliquer. Dans les années qui viennent, on peut très bien utiliser ces méthodes sur des échantillons qui sont stockés. »

Il rappelle que l’AMA s’est récemment prononcée sur différents points qui nécessitaient des éclaircissements, comme l’utilisation des corps cétoniques, que l’agence n’interdit pas, ou le tramadol, qu’elle a banni après avoir mené des recherches. « L’AMA va probablement sortir sur la nouvelle liste (des substances interdites) un élément spécifique lié au monoxyde de carbone », précise-t-il alors que cette pratique fait débat au sein du peloton. L’agence est également vigilante à l’égard du dopage génétique, « une menace réelle », affirme Olivier Rabin. « Vous avez des gens qui, dans leur garage ou leur cuisine vous concoctent des adénovirus et des séquences génétiques et les injectent un peu à n’importe qui. Et pas seulement à des animaux. J’ai tendance à penser que les bonnes vieilles méthodes d’utiliser des médicaments ou des injections restent encore de mise, mais le dopage génétique est une réalité, en tout cas en devenir. » L’AMA envoie un message clair : elle reste en première ligne, quoi que les observateurs en disent.