Sebastian Coe en a l’habitude : les prises de position de World Athletics l’éloigne souvent, et l’isole parfois, du reste du mouvement olympique. Mais le Britannique ne s’en est jamais beaucoup soucié.
Dernière illustration : la décision de l’instance mondiale de l’athlétisme de distribuer une prime de 50.000 dollars à chacun des médaillés d’or aux Jeux de Paris 2024. World Athletics l’a annoncée au début du mois d’avril, au moment où une partie du mouvement sportif international était rassemblée à Birmingham pour SportAccord. L’onde de choc n’en a été que plus amplifiée.
Depuis, deux camps se sont formés. Dans le premier, celui des opposants au principe d’un prize money aux Jeux olympiques, on retrouve à peu près tout le monde. Dans le second, celui des partisans d’une règle adoptée depuis longtemps par un nombre grandissant de comités nationaux olympiques, World Athletics. Seulement World Athletics.
Le CIO ? L’instance n’a pas immédiatement condamné la décision de l’athlétisme. Tout juste avait-elle rappelé, dans un communiqué publié au lendemain de l’annonce, qu’elle redistribuait directement ou indirectement aux athlètes 90 % de ses recettes. Mais aujourd’hui, son discours se veut sans ambiguïté. Et Thomas Bach mène le débat.
Interrogé en fin de semaine passée lors d’une table ronde en ligne avec des médias, le dirigeant allemand n’est pas revenu sur le principe d’une prime aux Jeux olympiques. « Il existe depuis des décennies, a-t-il expliqué, cité par Reuters. En 1976, mes coéquipiers et moi-même avions reçu une prime pour notre médaille d’or au fleuret par équipe, versée par l’intermédiaire de la fondation soutenue par le Comité olympique allemand. Depuis, cette pratique est devenue plus ou moins courante parmi les comités nationaux olympiques. »
Mais pour Thomas Bach, rémunérer les athlètes doit rester le privilège des gouvernements, des partenaires ou des organisations privées. Les fédérations internationales ne doivent pas franchir le pas. « Il s’agit pour elles de voir comment soutenir au mieux les athlètes », a-t-il suggéré devant les médias, laissant clairement entendre que dépenser plus de 2 millions de dollars pour récompenser une cinquantaine de champions olympiques d’athlétisme, par ailleurs souvent à l’écart du besoin, ne constituait pas la meilleure solution.
« Les comités nationaux olympiques et les fédérations Internationales sont les principaux bénéficiaires des subventions issues du succès commercial des Jeux, a expliqué Thomas Bach. Le rôle des fédérations est de faire tout leur possible pour combler le fossé entre les athlètes venant de pays privilégiés et ceux issus de pays moins privilégiés. »
Présent en fin de semaine passée à Nassau, aux Bahamas, à l’occasion des World Relays, Sebastian Coe n’a pas dit le contraire. Mais il a maintenu la position de World Athletics sans chercher un seul instant à l’assouplir pour calmer l’hostilité du mouvement olympique.
Le Britannique a rappelé que le développement avait toujours été sa priorité et celle de sa fédération. « Nous y avons consacré beaucoup d’argent, nettement plus que les sommes dédiées aux primes des athlètes dans les compétitions« , a-t-il insisté en réponse à l’idée, soutenue par une partie du mouvement, selon laquelle les subventions du CIO doivent avant tout servir à développer une discipline.
Mais pour Sebastian Coe, le temps est venu de trouver un équilibre. « Il est normal de consacrer des sommes importantes au développement, a-t-il poursuivi. Nous l’avons fait et nous allons continuer. Mais cela ne suffit plus. Nous ne pouvons plus nous contenter de cela. Les athlètes doivent voir qu’il existe un lien entre la croissance de notre sport et leur propre situation. Ce n’est pas si compliqué. Je veux que les athlètes aient une carrière qui leur donne un peu plus de sécurité financière et, croyez-moi, nous ferons encore plus dans ce domaine. Ca n’est pas terminé. »