Les autorités politiques et sportives l’ont confirmé officiellement cette semaine : l’Ukraine participera bien aux Jeux de Paris 2024. Sa délégation comptera au moins une centaine d’athlètes. Ils se rendront dans la capitale française avec, au-delà d’une ambition purement sportive, l’envie de profiter de l’événement et de sa vitrine médiatique pour sensibiliser l’opinion mondiale sur la souffrance du peuple ukrainien.
Yaroslava Mahuchikh (photo ci-dessus), 22 ans, championne du monde en titre au saut en hauteur, s’annonce comme l’une plus grandes chances de médaille de l’équipe olympique ukrainienne. Elle est aussi l’une des ambassadrices du projet « Sports Against War », une initiative lancée par 1 + 1 media, l’un des principaux groupes multimédias en Europe de l’est. Interview.
Vous êtes originaire de la ville de Dnipro, qui est régulièrement bombardée par la Russie. Comment la ville et ses habitants ont-ils changé depuis le début de la guerre ?
Yaroslava Mahuchikh : La ville a changé dès les premiers jours de l’invasion russe. Des postes de contrôle et des rouleaux de barbelés antichars ont fait leur apparition dans les rues. Les gens se sont rendus en masse dans les magasins pour acheter de la nourriture, des vêtements et des médicaments, qu’ils ont apportés dans les points de collecte, pour être ensuite donnés aux militaires. J’ai vu ma ville s’unir et apporter son aide. Elle a accueilli de nombreuses personnes déplacées et continue de le faire. Aujourd’hui, les gens essaient de continuer à vivre et à travailler. Tout le monde sait que nous le devons à nos soldats. A Dnipro, les cafés proposent même de faire un don à nos forces de sécurité et de défense. Il est très douloureux pour moi de voir les zones civiles et les habitations frappées par les missiles russes. Mais nous restons très forts, unis et solidaires. Nous vaincrons.
Qu’est-ce qui vous manque aujourd’hui le plus, dont vous êtes privée à cause de la guerre ?
La communication en direct me manque. La guerre a dispersé tout le monde, un peu partout en Ukraine et même dans d’autres pays. On ne sait pas quand les gens reviendront, ni quand nous pourrons à nouveau nous retrouver tous autour d’une table et parler de choses et d’autres.
La guerre n’a-t-elle pas contribué à mettre encore plus en avant les athlète ukrainiens et leurs performances ?
Elle a sans doute suscité une volonté plus forte de mettre en valeur les réalisations des Ukrainiens, mais aussi pour les athlètes une envie de s’illustrer sur le terrain de compétition et s’exprimer dans les médias internationaux. Le sport s’est révélé une formidable vitrine pour partager avec le reste du monde ce que nous vivons en Ukraine depuis le début du conflit. En Europe, notamment, tout le monde n’a pas encore pris pleinement conscience de la douleur que nous ressentons.
Vous avez pris l’habitude de vous présenter dans le stade avec un maquillage très patriotique, jaune et bleu, aux couleurs du drapeau ukrainien. Comment vous est venue cette idée ?
La plupart du temps, dans les compétitions nous portons les tenues et les couleurs de notre équipementier. J’ai voulu rompre avec cela et montrer au monde que je suis avant tout une Ukrainienne. J’ai réalisé que je devais utiliser les couleurs de notre drapeau. Et cela a eu son effet. Tout le monde m’a demandé si j’arborais les couleurs de mon pays. J’ai reçu énormément de soutien, notamment de personnes non impliquées dans le sport.
La présence des athlètes ukrainiens dans les compétitions internationales est-elle indispensable, en premier lieu les Jeux de Paris 2024 ?
Notre absence des Jeux olympiques serait un échec. Le monde entier regarde cet événement, même les gens peu intéressés par le sport. Une fois tous les quatre ans, ils suivent les compétitions à la télévision. Les Jeux de Paris 2024 vont nous offrir une plateforme pour faire encore plus parler de l’Ukraine. Mais les Jeux de Paris 2024 ne doivent pas accepter les athlètes russes. L’olympisme véhicule des valeurs, dont le respect de la vie d’autrui. Ces valeurs ne sont pas celles des Russes et les Biélorusses, qui continuent de commettre un génocide du peuple ukrainien.