— Publié le 15 octobre 2024

« L’eSport ne doit pas chercher à copier le modèle fédéral »

Institutions Focus

Tout est allé très vite. Lancé l’an passé par Thomas Bach comme une idée à creuser, le projet de Jeux olympiques des sports électroniques est déjà une réalité. La session du CIO de Mumbai, en octobre 2023, lui a donné une existence plus formelle. Un pays-hôte, l’Arabie saoudite, a été trouvé pour les trois premières éditions.

Les Jeux olympiques de l’eSport verront le jour en fin d’année prochaine – novembre ou décembre – chez le nouveau poids lourd du mouvement sportif international. Ils sont très attendus, même si leurs contours restent flous.

Très vite, donc. Trop vite ? Beaucoup le croient. A un peu plus d’une année de l’événement, les fédérations internationales et les comités nationaux sont-ils prêts ? FrancsJeux a interrogé une experte, Sylvie Le Maux, vice-présidente du Comité olympique français (CNOSF) en charge de l’eSport.

FrancsJeux : A une année des premiers Jeux olympiques de l’eSport, l’univers des sports électroniques est-il aujourd’hui structuré et organisé ?

Sylvie Le Maux : L’eSport a beaucoup évolué au cours des derniers mois. Les nouvelles idées émergent, notamment de la part de dirigeants de clubs professionnels, qui se révèlent tout aussi réactifs que les éditeurs de jeux. Mais cet écosystème n’est pas structuré en France, et cela devient un obstacle pour le comprendre et le promouvoir. L’ancienne ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, s’est penchée sur le sujet. Elle a demandé à son Inspection générale de proposer un modèle d’organisation et de pilotage. Un rapport a été publié, très intéressant. Il suggère la création d’une filière économique de l’eSport. Pourquoi pas. Il faut maintenant espérer qu’il sera étudié par le nouveau ministre, Gil Avérous.

Qui est aujourd’hui aux manettes des sports électroniques ?

Personne et tout le monde à la fois. Il n’y a malheureusement pas de « guichet unique », qui permettrait à tous les acteurs – joueurs, associations sportives, médias, collectivités, sponsors… – de savoir vers qui se tourner pour obtenir une information officielle et précise.

Les sports électroniques doivent-ils s’inspirer des sports dits traditionnels, en se dotant d’une gouvernance et d’une organisation classiques, avec des fédérations nationales et internationales ?

Il faut être très prudent. Et, selon moi, ne pas faire un copié-collé du modèle fédéral. Il n’est pas parfait, et surtout incompréhensible aux yeux des e-sportifs et des dirigeants de clubs professionnels. Prenons ce qui est bien dans le modèle fédéral et adaptons-le aux besoins comme aux attentes des clubs et des joueurs. Il est important de construire autour d’eux, sans leur imposer un modèle qui ne serait ni accepté ni applicable. J’entretiens des contacts réguliers avec quatre des plus grands clubs français : ils sont très attentifs et disposés à débattre et avancer.

L’organisation des premiers Jeux olympiques des sports électroniques, en fin d’année 2025 en Arabie saoudite, va poser la question des sélections des équipes et des joueurs. Comment peut-elle être réglée dans l’organisation actuelle ?

Ces premiers Jeux olympiques de l’eSport proposeront un programme composé d’univers différents. Pour les jeux virtuels, pilotés par les fédérations internationales, il reviendra à ces dernières de retenir un de leurs grands championnats comme épreuve de sélection. Pour les jeux simulation sportive et de gaming, le CIO devra s’entendre avec les éditeurs pour programmer ou non une phase qualificative. Mais ne nous mettons pas la corde autour du cou. Il est bien sûr essentiel de veiller à ce que chaque sélection soit méritée pour cet événement olympique très attendu, mais il sera certainement possible de s’appuyer sur le classement mondial et/ou l’avis des coachs de clubs. Je suis persuadée qu’ils ont tous envie de qualifier la meilleure équipe de France.

Le CNOSF est-il prêt pour ces premiers Jeux olympiques des sports électroniques ?

Il sera prêt. Nous réfléchissons déjà à l’organisation autour de l’équipe de France. Faudra-t-il prévoir des stages préparatoires, un Club France… ? J’ai proposé très tôt à David Lappartient de former un groupe de travail. Il est constitué de plusieurs collèges représentant toutes les familles des acteurs de l’eSport : promoteurs, associations, dirigeants, agences, éditeurs… Nous allons nous réunir pour la première fois à la mi-novembre, pour partager nos informations, nos avis et nos idées.

David Lappartient préside la commission des sports électroniques au CIO. Quel rôle joue-t-il au niveau national ?

Il est le président du comité national olympique français. Il a très bien compris qu’il essentiel de s’intéresser de très près à l’univers de l’eSport et à la jeune génération. Essentiel également de les encadrer. Par son dynamisme et ses idées, cet univers peut pousser les fédérations sportives traditionnelles à diversifier leurs offres, voire à se réinventer. Je côtoie au quotidien des athlètes des deux mondes, sportif et esportif. Les uns et les autres sont très inspirants.