Une page se tourne dans le sport russe. Elle ne changera peut-être pas grand-chose au cours de l’histoire. Mais ses premiers mots sont écrits d’une nouvelle main.
Mikhail Degtyarev (photo ci-dessus), 43 ans, l’actuel ministre des Sports, a été élu vendredi 13 décembre à la présidence du Comité olympique russe (ROC). Seul candidat, adoubé par Vladimir Poutine, il a obtenu un score à rouler des mécaniques : 197 voix pour, aucune contre et deux timides abstentions. Difficile de faire mieux.
Mikhail Degtyarev succède à l’ancien escrimeur Stanislav Pozdnyakov, en place depuis 2018, qui a annoncé en octobre dernier sa décision de mettre un terme prématuré à son mandat.
Précision tout sauf anecdotique : le nouvel homme fort du mouvement olympique russe conserve son portefeuille de ministre des sports. Il cumulera donc les deux fonctions, au moins dans un premier temps, une double casquette a priori contraire aux règles du CIO (mais déjà vue par ailleurs). L’illustration de la volonté du Kremlin de contrôler le ROC.
Mikhail Degtyarev a été nommé ministre des Sports en mai dernier, après avoir occupé depuis septembre 2021 le poste de gouverneur de la région de Khabarovsk.
Voilà pour les faits. Ils n’ont surpris personne. L’élection était jouée d’avance. Les paroles, maintenant.
Le nouveau président du ROC ne s’en est pas caché : sa priorité des prochains mois, soulignée d’un trait épais sur sa feuille de route, aura une dimension très internationale. Mikhail Degtyarev veut ramener formellement la Russie, et surtout ses athlètes, dans les compétitions européennes et mondiales.
« La charte du ROC fixe des objectifs clairs : la levée de toutes les restrictions, la pleine participation de nos athlètes à toutes les compétitions internationales sous le drapeau national de la Russie, la réintégration dans les organisations sportives internationales, la restauration du statut de la RUSADA (l’Agence russe antidopage), et la reconnaissance de notre comité au sein du CIO », a-t-il énuméré vendredi dernier à Moscou après son élection.
Le message est clair : la Russie veut effacer son ardoise et retrouver sa place dans le mouvement sportif international. Sans conditions de neutralité. A tous les niveaux de la pyramide.
Mikhail Degtyarev a poursuivi : « La Russie a été confrontée à une pression extérieure sans précédent, des milliers de nos athlètes ayant été soumis à des sanctions discriminatoires. L’objectif de ces sanctions est clair : non seulement marginaliser le sport russe, mais aussi nous pousser à prendre des décisions irréfléchies et à nous fermer complètement la porte. Il est essentiel que nous maîtrisions nos émotions afin d’éviter ce scénario fatal. Il est grand temps que les membres des organisations sportives internationales cessent leur rhétorique agressive. Nombre d’entre eux, y compris des membres du CIO, ont compris depuis longtemps que le sport international sans la participation de la Russie n’est tout simplement pas le même. Lors de nombreux contacts informels, ils ne cessent de dire ouvertement qu’ils veulent que la Russie revienne. »
Réaliste ? A court terme, sûrement pas. Avec Thomas Bach assis jusqu’au 30 juin 2025 sur le fauteuil de président du CIO, la Russie restera à la porte. Tout juste peut-elle espérer un assouplissement ici ou là, par petites touches, des conditions de neutralité imposées par les instance internationales. World Aquatics a ouvert la voie en autorisant désormais la participation des athlètes russes dans les relais, en duo au plongeon synchronisé, en duo et ballet d’équipe en natation artistique.
Après ? Tout dépendra sans doute du résultat du vote pour le prochain président du CIO, en mars 2025 lors de la session en Grèce. Le dossier russe arrivera très vite en tête de la pile pour le nouvel homme fort du mouvement olympique. Il pourra décider de s’y attaquer en priorité, ce qui ne serait pas sans risque. Ou, plus prudemment, ne rien précipiter et attendre d’avoir trouvé ses marques.