Un petit coup de tonnerre a résonné lundi dans le paysage des Alpes françaises. L’athlète olympique le plus titré de l’histoire du sport français, Martin Fourcade, ne sera pas le président du Comité d’organisation des JOP 2030. L’ancienne star du biathlon semblait le candidat naturel pour porter le retour des Jeux d’hiver en France, 28 ans après Albertville 1992. Après plusieurs mois de discussions, le Catalan a néanmoins renoncé pour de bon, jugeant impossible d’ « envisager sereinement cette mission » face à ses désaccords avec les autres acteurs du projet.
Lyon, point de crispation
Sur le papier, la mission paraissait taillée pour lui. Et surtout, Fourcade en avait envie. « Je me suis engagé dans le projet des Alpes 2030 persuadé que la France était le pays le mieux armé pour relever l’immense défi lancé aux sports d’hiver, et plus largement à nos territoires de montagne. Car les Jeux sont bien plus qu’une compétition sportive, ils ont le pouvoir de rassembler pour transformer. C’est fort de cette volonté, avec le soutien indéfectible des athlètes, des mouvements olympique et paralympique et de l’État, que j’échange depuis plus de sept mois sur la présidence du comité d’organisation des Alpes 2030. Le défi d’une vie, au service d’un projet hors norme », écrit-il dans un mail révélé par le journal L’Equipe. Le Pyrénéen affirme qu’il était prêt à faire des concessions, personnelles et professionnelles, pour mener à bien le projet. Trop de distance le séparait néanmoins d’autres acteurs de ces Jeux pour que tout le monde puisse se rejoindre.
« Les désaccords restent trop nombreux pour pouvoir envisager sereinement cette mission. Le mode de gouvernance, la vision, l’ancrage territorial : nous n’avons pas réussi à nous retrouver sur ces sujets fondateurs. Mon ambition pour ces Jeux est claire : ils doivent être en phase avec leur époque, pleinement conscients des enjeux écologiques et ancrés dans la réalité économique de notre pays. Aussi organiser ces Jeux depuis un territoire de montagne est à mes yeux essentiel », souligne-t-il. Le pilotage se fera dans la métropole lyonnaise, là où Fourcade préférait « des villes proches des sites » telles que Grenoble, Chambéry, Aix-les-Bains ou Albertville. Le biathlète aux 13 titres de champion du monde souhaitait placer « les spécificités de la montagne d’aujourd’hui » au cœur du projet, mais « cette vision n’est pas partagée par tous les acteurs de ce dossier », regrette-t-il. Le CNOSF a répondu que la durabilité, la sobriété, la vision de la montagne de demain et l’implication des territoires figuraient « aux premiers rangs de nos préoccupations depuis le début », mais le mal était déjà fait.
Muselier soulagé, le COJOP libéré ?
Face à ce décalage, Fourcade a pris la décision de se retirer, ne souhaitant pas « sacrifier (ses) convictions ». Michel Barnier, qui espérait le garder au centre du jeu, n’a finalement pas réussi à trouver un compromis. Ses mots sonnent en tout cas comme un avertissement quant aux contours de ces Jeux. « Je pense évidemment, comme beaucoup, que Martin Fourcade aurait fait un excellent président mais nous devons respecter sa décision », a commenté la ministre des Sports Marie Barsacq. Ce coup de théâtre n’a pas fait que des malheureux. Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, était annoncé réticent quant à la candidature de Fourcade. Il s’est félicité de son renoncement auprès de l’AFP.
« Paradoxalement, une situation qui était considérée comme un coup de froid avec son départ est en fait un bol d’oxygène. Il connaît le projet par cœur et nous prétexter maintenant que Lyon, ça ne lui plaît pas, pour partir, alors que ça a été validé dans le bureau du Premier ministre il y a deux mois, ce n’est pas sérieux », estime-t-il, qualifiant le Catalan comme « un solitaire, qui ne peut pas travailler en collectif ». Cette séquence met en exergue la difficulté de tempérer les egos et un manque d’unité évident, ô combien préjudiciable. Le plus grand ambassadeur des sports d’hiver français aurait dû être une pièce centrale du projet des Alpes françaises. À l’évidence, ce ne sera pas le cas. Et c’est un premier échec, dont il faudra tirer les leçons pour sortir de l’ornière et commencer à avancer.