Depuis 2010, chaque été, 22 équipes prennent le départ du Tour de France. Seule exception : l’année 2021, où l’Union cycliste internationale avait autorisé les organisateurs des trois Grands Tours à inviter une 23e équipe pour compenser les difficultés posées par le contexte sanitaire. D’ici le 31 mars, l’UCI se prononcera sur un potentiel changement des règles pour que 23 formations s’alignent systématiquement sur le Giro, le Tour et la Vuelta. Ce qui ferait des heureux, non sans soulever certains doutes.
Aider les équipes « à grandir »
Le règlement actuel autorise les organisateurs des Grands Tours à distribuer deux invitations pour compléter le peloton, où les autres équipes assurent leur participation par leur statut de formation WorldTeam ou par leur classement UCI. La marge de manœuvre est serrée. Surtout quand des stars comme Julian Alaphilippe (Tudor) ou Tom Pidcock (Q36.5) signent dans des « petites » équipes, qui appartiennent à la deuxième division internationale. ASO, organisateur du Tour de France, doit ainsi trancher entre TotalEnergies, une équipe historique du cyclisme français, qui a remporté une étape en 2024 ; Tudor, une écurie suisse qui monte en puissance et qui a recruté des références comme Marc Hirschi ou le chouchou français Alaphilippe ; ou encore Uno-X, qui a admirablement honoré son invitation l’an passé. Le casse-tête concerne aussi l’organisation du Giro, bien embarrassée de devoir laisser sur le carreau une équipe italienne ou de se priver d’une star comme Pidcock. Et il y a urgence, car le Tour d’Italie s’élance le 9 mai et les équipes sont toujours dans l’attente de savoir si elles participeront pour pouvoir adapter leur préparation.
Pour résoudre plus facilement l’équation, l’Association internationale des groupes cyclistes professionnels (AIGCP), l’Association internationale des organisateurs de courses cyclistes et le syndicat des coureurs professionnels (CPA) ont déposé une demande auprès de l’UCI. « C’est une demande des trois familles du cyclisme », a expliqué le président de l’instance David Lappartient, laissant entendre que cette unanimité rendait la requête encore plus légitime. Le Conseil du cyclisme professionnel a accepté cette proposition mercredi à Aigle (Suisse). Elle sera ensuite soumise au Comité Directeur de l’UCI, qui se prononcera sur la question d’ici le 31 mars pour une décision finale. « La première motivation de passer à 23 est de défendre le deuxième niveau, de faire en sorte que des équipes qui ont un vrai projet puissent grandir », a justifié le directeur du Tour de France, Christian Prudhomme, auprès de l’AFP. Plus d’opportunités sportives pour les équipes, qui y gagnent aussi une belle exposition pour leurs sponsors, et plus de stars au départ pour les organisateurs : sur le papier, tout le monde s’y retrouve. Sauf quand vient le moment d’aborder la question de la sécurité.
Plus de coureurs, donc plus de risques
Avec une 23e équipe, le peloton passera de 176 à 184 coureurs. La mesure irait à contre-courant de la dynamique des dernières années puisqu’en 2018, le nombre de coureurs était justement passé de neuf à huit par équipe sur les Grands Tours, réduisant le peloton de 198 à 176 têtes, au nom de la sécurité. Plus de coureurs, mécaniquement, c’est aussi plus de risques. En 2024, 497 chutes et incidents ont été recensés lors des courses classées UCI WorldTour, UCI Women’s WorldTour et UCI ProSeries. La structure SafeR, créée en 2023 pour étudier la sécurité des épreuves sur route, notait en juillet 2024 que « 49 % des accidents se produisent dans les 40 derniers kilomètres de course, impliquent en moyenne deux à trois coureurs et se produisent fréquemment juste avant les points d’intérêt tels que les montées, les secteurs pavés et les sprints, ainsi que sur les routes glissantes, à proximité ou sur les infrastructures de circulation, ou pendant les descentes ».
Parmi les aménagements récemment mis en place, la possibilité d’étendre la règle des « trois kilomètres » à un maximum de cinq kilomètres, afin de prendre les temps en amont de la ligne d’arrivée et ainsi « réduire la pression sur les coureurs pendant la phase de course qui précède le sprint final ». Ajouter une équipe supplémentaire, et donc des coureurs potentiellement intéressés par un sprint, risque néanmoins d’annuler les bénéfices de cette mesure. « Il y a une majorité d’équipes qui le souhaitent », assure Christian Prudhomme. La Visma-Lease a bike a publiquement critiqué cette décision par la voix de son patron Richard Plugge, qui a rappelé qu’il fallait « plus de sécurité dans le peloton ». Mi-janvier, David Lappartient répétait que la sécurité des coureurs était « une priorité, tant pour l’UCI que pour l’ensemble des acteurs du cyclisme masculin et féminin », vantant les avancées permises par SafeR : « Nous sommes tous unis pour la sécurité et continuerons de progresser dans ce sens en 2025 et au-delà. » Un discours qui pourrait être en partie remis en cause.