L’Amérique veut-elle vraiment les Jeux olympiques? Officiellement, quatre villes sont encore en course pour une candidature aux JO d’été de 2024: Los Angeles, San Francisco, Boston et Washington DC. Mais la motivation américaine semble encore assez douteuse. A lire la presse du pays, elle parait même très incertaine. Les médias américains ne voient pas, ou peu, l’intérêt de se lancer dans la bataille. Beaucoup y voient une perte de temps, et surtout d’argent.
Le dernier exemple est à chercher dans les pages du très influent magazine hebdomadaire du New York Times. Un long article signé du journaliste économique Binyamin Appelbaum s’interroge sur les vraies raisons, pour une métropole, de recevoir les Jeux. Les raisons économiques, surtout. En clair, l’événement olympique est-il rentable, à l’échelle d’une ville ou d’un pays?
Très documenté, l’article du New York Times Magazine penche nettement pour le non. Selon le reporter américain, les Jeux coûtent cher et rapportent peu. Ils trimbalent surtout un certain nombre d’idées toutes faites. A commencer par celle d’un boom touristique pour la ville-hôte de l’événement, pendant et après la quinzaine olympique. Exemple: Londres 2012. Pendant la période des JO, le British Museum a enregistré 480.000 visiteurs. Il en avait accueilli 617.000 l’année précédente à la même époque. Le nombre de touristes étrangers a même diminué de 5% en Grande-Bretagne, entre août 2012 et août 2011.
Le New York Times va plus loin et assure, preuves à l’appui, que les Jeux peuvent avoir un effet négatif. Athènes 2004 aurait donné l’image d’un pays en retard sur la préparation des JO, pour finalement laisser ses installations sportives à l’abandon. La réussite sportive des Jeux d’hiver de Sotchi aurait été largement contrebalancée par les milliers d’articles dans la presse mondiale mettant en exergue le coût de l’événement, la corruption du comité d’organisation ou l’absence de neige dans les stations russes.
Un institut de recherche australien a cherché à mesurer l’impact des Jeux de Sydney sur l’image de l’Australie, en interrogeant des habitants de quatre pays: Afrique du Sud, Malaisie, Hong Kong et Etats-Unis. Les mêmes personnes ont été questionnées une année avant les Jeux, puis une nouvelle fois après l’événement. Leur perception de l’Australie se révèle quasi identique avant et après Sydney 2000. A une exception: les Sud-Africains. Mais, dans leur cas, les Jeux ont eu l’effet inverse, en leur donnant l’image d’une Australie traitant sa population aborigène comme l’a fait l’Afrique du Sud avec les Noirs au temps de l’apartheid.
Tous les économistes américains interrogés par le journaliste new-yorkais s’accordent à juger « faible », voire « insignifiant », l’impact réel des Jeux olympiques sur l’économie d’une ville, d’une région ou d’un pays. Mais l’un d’eux, Victor Matheson, un professeur d’université de Boston, met le doigt sur l’essentiel: le plaisir et l’excitation apportés à la population d’une métropole, et même d’une nation toute entière, par l’organisation sur son sol d’un grand événement sportif international. Le facteur « bonheur », rarement mesuré par les études économiques. L’article du New York Times Magazine compare les Jeux olympiques à une cérémonie de mariage: « Elle ne fera pas de vous un homme plus riche, mais elle vous rendra plus heureux. » Mais il pose la question: cela en vaut-il vraiment la dépense?