Mesdames et Messieurs les Présidents de fédérations membres de la FIFA, Dirigeants et Officiels des fédérations, confédérations, ligues, clubs et associations de joueurs, Amis du football,
Je suis au regret de devoir vous annoncer que je n’ai pas présenté les cinq lettres de parrainage nécessaires pour être enregistré comme candidat à l’élection du 29 mai prochain.
Je remercie chaleureusement les trois fédérations qui m’en ont envoyé une et les très nombreux présidents qui m’ont expliqué, avec franchise et amitié, que malgré leur intérêt pour mon programme, ils ne pouvaient délivrer cette lettre indispensable. Parce qu’ils craignaient des représailles face aux « recommandations » de leurs confédérations. Parce que leurs fédérations étaient candidates à une compétition continentale. Parce qu’elles dépendaient trop des soutiens financiers. Parce qu’il fallait défendre une « unité » continentale. Parce que certains des prési- dents étaient eux-mêmes engagés dans une élection ou tout simplement préféraient un autre candidat.
Les institutions se sont mobilisées pour éliminer le seul candidat indépendant. Les derniers événements orchestrés dans le secret avec des intentions à peine voilées par une d’entre elles, distribuant les lettres de soutien entre des candidats, m’ont fait perdre des parrainages notam- ment en Europe !
J’observe aussi que j’aurais été candidat avec l’ancienne version des statuts et que je ne peux l’être avec la nouvelle modifiée en 2013 sur une proposition de l’UEFA.
Malgré la déception, je n’en ressens aucune aigreur car je connais le fonctionnement de la structure pyramidale du football.
Le scénario des prochaines semaines et des prochains mois se dessine donc avec des candidats instrumentalisés pour mener le combat que d’autres n’ont pas eu le courage de mener et dont certains avancent masqués pour le compte d’intérêts privés ou institutionnels :
- La campagne risque de tourner à la dénonciation manichéenne d’une seule personne, le Président de la FIFA, pour éviter de reconnaître une responsabilité collective du Comité Exécutif au sein duquel une confédération avec un tiers des voix, l’UEFA, pense qu’elle peut décider de tout.
- Les rivalités de personnes et d’institutions seront plus vives que jamais.
- De soi-disant programmes apparaissent avec une liste de slogans aussi ronflants que peu précis, et des propositions qui, comme l’augmentation du nombre d’équipes en phase finale de la Coupe du Monde, sentent bon la démagogie et la politique politicienne. Et parfois des passages « copiés-collés » de mon programme.
- L’agenda caché – ou pas si caché que cela – est clair. Sous couvert de réformer la FIFA, il s’agit de l’affaiblir encore plus au profit des structures continentales au moment où une gouvernance du football forte, régulatrice et redistributrice est plus que jamais néces- saire. C’est la vision historique de l’UEFA depuis 1998 !
- Il s’agit aussi de permettre aux plus fortunés du football ouest-européen de mettre la main sur la dernière chose qu’ils ne contrôlent pas encore, la FIFA et le gouvernement mondial du football.
Pour ma part, je suis déterminé à continuer à participer au débat sur l’avenir du football et de la FIFA avec toute ma conviction mais des moyens limités, non plus en tant que candidat mais à nouveau en tant que citoyen du football.
Je continuerai à défendre les réformes institutionnelles visant à rendre aux fédérations natio- nales le pouvoir qui est le leur, à rééquilibrer la composition du Comité Exécutif de la FIFA entre les différents continents pour une plus juste représentation et à associer joueurs, clubs et ligues au processus de décision.
Je continuerai à militer pour une FIFA plus ouverte, transparente et accessible à tous.
Je continuerai à affirmer avec force que l’accroissement spectaculaire des inégalités observées ces dix dernières années dans le football met en danger son universalité, l’égalité des chances, l’incertitude du résultat et des compétitions sportives au bénéfice d’une élite toujours plus réduite.
Comment peut-on tolérer et ne pas changer une situation où les 20 clubs les plus riches d’Europe de l’Ouest réalisent un chiffre d’affaires annuel de 6,2 milliards d’Euros (source Deloitte & Touche) alors que :
- plus de la moitié des fédérations vivent avec moins de 2 millions de dollars par an,
- le club classé 20 ème de la ligue anglaise gagne à lui seul plus d’argent que les 18 clubs de la Eredivisie néerlandaise,
- les ligues africaines et sud-américaines se vident de leurs talents au bénéfice de l’Europe,
- rien ou si peu des droits TV vendus en dehors de l’Europe de l’Ouest sont redistribués au bénéfice du football local quand la FIFA pourtant si injustement critiquée répartit, elle, l’argent de la Coupe du Monde,
- des clubs avec des petites dettes et de « petits » championnats sont exclus des compétitions continentales alors que les clubs très riches voient leur domination fossilisée,
- le départ des meilleurs jeunes vers les clubs les plus riches sous couvert de liberté de mouvement, le format de compétitions et les mécanismes de redistribution de l’argent sont créateur d’inégalités affectant gravement les compétitions nationales de plus en plus déséquilibrées et prévisibles.
Comment peut-on essayer de nous faire croire que ce qui est bon pour Chelsea et le Real Madrid, est automatiquement bon pour le football jamaïcain, vietnamien, sénégalais, bolivien, tahitien ou moldave ? On voit bien dans les slogans mis en avant par les trois candidats soutenus par l’UEFA qu’aucun n’ose mettre en question la cause centrale des problèmes actuels du football. C’est sans doute le prix de ce soutien et la preuve que ce n’est pas de football dont il s’agit mais de pure politique !
Je me réjouis de constater que certaines de mes propositions sont déjà reprises, comme la possibilité donnée aux entraîneurs de contester des décisions arbitrales par la vidéo, ou mon carton orange aujourd’hui repeint en blanc, de l’expulsion temporaire, ou d’apprendre que des offres ont été faites à la FIFPro d’intégrer les comités exécutifs.
Enfin, je ferai savoir le moment venu le nom du candidat que je soutiendrai à la vue des programmes et par rapport aux enjeux mondiaux de gouvernance.
En bref, je refuserai le simplisme et la démagogie pour privilégier la réflexion et les réformes.
A bientôt donc !
Salutations sportives,