Paradoxe. Les Jeux Africains fêteront en septembre prochain leur 50ème anniversaire. L’événement a été organisé pour la première fois à Brazzaville, en République du Congo, en 1965. Sa 11ème édition doit se tenir dans la même ville, du 4 au 19 septembre. Une retour aux sources pour la célébration d’un demi-siècle d’existence. Mais la compétition continentale n’a jamais semblé aussi fragile. Sa prochaine organisation inquiète. Surtout, son avenir apparaît aujourd’hui très incertain. La question a été longuement débattue, samedi 14 mars à Kigali, au Rwanda, dans le cadre de la Convention internationale du sport en Afrique (CISA). Et les réponses incitent peu à l’optimisme.
Premier constat: la préparation des Jeux Africains 2015 a pris un sérieux retard. Les Congolais ont vu grand, sans doute trop grand. A l’option de rénover des installations existantes, ils ont préféré celle de bâtir du neuf. Un stade de 60.000 places, présenté comme révolutionnaire pour le continent africain, dont la livraison est attendue pour le mois de juin (notre photo). Un palais des sports de 10.000 places, jugé sur-dimensionné par la plupart des experts présents à CISA 2015. Deux équipements intégrés dans un vaste complexe sportif posé à Kintélé, à l’extérieur de Brazzaville, dont la construction a été confiée, sans surprise, à des entreprises chinoises.
Les installations seront prêtes à temps, assurent les Congolais. Pour le reste, mystère. Diamil Faye, le patron de la société Jappo Sports & Entertainment, explique: « Plusieurs questions n’ont pas encore été abordées par le comité d’organisation, dont celles du transport, de l’hébergement et des sites d’entraînement. » La procédure d’accréditation pour les médias n’a pas débuté. La communication de l’événement est encore inexistante.
Avec un tel état des lieux, difficile de croire aux miracles. Mais l’inquiétude est encore plus palpable, parmi les dirigeants sportifs africains, quant à l’avenir à plus long terme des Jeux Africains. En cause, un problème de gouvernance, une participation très aléatoire des meilleurs athlètes africains, et enfin une incapacité chronique à vendre l’événement aux partenaires et aux chaînes de télévision.
Lamine Diack, le président de l’IAAF, insiste: « Les Jeux ne doivent pas être la propriété de l’Union Africaine, mais de l’Association des comités olympiques africains (ACNOA). Les gouvernements n’ont rien à voir là-dedans, ils ont d’autres chats à fouetter. La gestion de l’événement doit revenir au mouvement olympique. » Une évolution qui pourrait permettre, de l’avis général, de renforcer la crédibilité sportive des Jeux. Mustapha Berraf, le président du comité olympique algérien, remarque: « J’ai participé aux Jeux Africains en 1978. A l’époque, tous les grands athlètes du continent étaient présents. Aujourd’hui, ils boudent la compétition. Mais comment pourrait-il en être autrement lorsque les Jeux Africains ne s’inscrivent pas dans le processus de qualification pour les Jeux olympiques. »
Présenté comme le nerf de la guerre, l’argent manque. Cruellement. Diamil Faye précise: « De tous les championnats multisport continentaux, les Jeux Africains sont les seuls à ne pas vendre leurs droits de télévision. » Le seront-ils un jour prochain? Mustapha Larfaoui, l’ancien président de la FINA, membre honoraire du CIO, n’y croit pas: « Notre événement ne possède pas la qualité technique pour séduire les diffuseurs et les partenaires. Et les pays ne font pas les efforts nécessaires pour convaincre leurs athlètes d’y participer. J’ai une réelle appréhension pour l’avenir. A ce jour, personne ne sait où se déroulera l’édition suivante. »
A Kigali, plusieurs idées ont émergé des débats pour redonner son lustre à l’événement. Will Mbiakop, un consultant camerounais en management et business, suggère un partenariat public/privé pour l’organisation. Il propose également d’accorder gratuitement les droits de télévision, les premiers temps, avant de les commercialiser, une démarche qui pourrait permettre de fidéliser les chaînes. La possibilité de partager les Jeux Africains entre deux, voire trois, pays voisins a été évoquée. « Nous étions en avance sur les autres continents, mais nous sommes aujourd’hui à la traîne », regrette Diamil Faye. A 50 ans, les Jeux Africains sentent lourdement le poids du temps.