L’avenir est en marche dans le sport africain. Pour preuve la création récente de la Commission des athlètes de l’ACNOA, l’association des comités olympiques africains (notre photo). Une commission encore peu représentative, aux moyens limités et souvent démunie face à la pesanteur des organisations sportives, mais déterminée à se faire entendre. La Malienne Kady Kanouté Tounkara, championne d’Afrique de basket-ball en 2007, est en l’une des membres les plus actives (au premier rang, à droite, sur la photo). FrancsJeux l’a rencontrée à Kigali, au Rwanda, à l’occasion de CISA 2015. Interview.
FrancsJeux: Comment est organisée la commission des athlètes de l’ACNOA?
Kady Kanouté Tounkara: Elle est encore très récente, puisque sa création remonte seulement au mois de mai 2013. Nous en avons proposé l’idée à l’occasion de CISA, à Dakar, où nous avons tenu notre première réunion. L’idée a été tout de suite encouragée par Lassana Palenfo, le président de l’ACNOA, qui a été notre premier soutien. Amadaou Dia Ba, le Sénégalais, est président de notre commission. Et nous sommes six membres à représenter chacune une zone géographique: le Marocain Hicham El Guerrouj (athlétisme), le Togolais Benjamin Toukpeti (canoë-kayak), la Zimbabwéenne Kristy Coventry (natation), la Kényane Tegla Loroupe (athlétisme), le Gabonais Anthony Obame (taekwondo), et moi-même. Mais il ne nous est pas encore possible de procéder à des élections pour désigner nos représentants, car les comités nationaux olympiques africains répertorient rarement leurs athlètes. Dans certains cas, il est même impossible d’obtenir une liste des derniers olympiens. Aujourd’hui, nous recensons seulement une dizaine de comités olympiques africains ayant une commission des athlètes, sur un total de 45.
Certains pays sont-ils en avance sur les autres?
Oui. L’Egypte, l’Afrique du Sud ont montré la voie. Le Mali et le Rwanda font également des efforts. On remarque souvent que les choses se passent mieux dans les comités nationaux olympiques dirigés par des gens issus du secteur privé. Ils connaissent le monde des affaires. Ils ont réussi dans leur domaine et ils veulent aider à apporter du changement.
A quels besoins répond la création de la commission des athlètes de l’ACNOA?
Ses missions sont les mêmes que dans les autres continents: éduquer l’athlète sur ses droits et ses devoirs, l’aider à servir de source d’inspiration pour la jeunesse, lui donner une voix. Mais l’Afrique était en retard sur le reste du monde, comme souvent.
La place de l’athlète est moins visible en Afrique que dans le reste du monde?
Certainement. En Afrique, les dirigeants sportifs n’ont pas envie d’écouter les athlètes. D’ailleurs, les athlètes africains qui ont réussi changent de nationalité où quittent le continent. Le sportif est, par nature, quelqu’un de juste. A Afrique comme ailleurs. Il n’accepte pas facilement la corruption, le harcèlement, la tromperie. Alors, il préfère rester à l’écart et ne pas s’impliquer.
Et vous, pourquoi le faites-vous?
Je suis une révoltée de nature. Et je veux que les choses changent. Pendant ma carrière de joueuse, j’ai eu la chance de participer aux Jeux de Pékin en 2008. C’était mon rêve, mais tout ne m’a pas plu. Aujourd’hui, je veux montrer la voie. Je suis revenue des Etats-Unis pour cela. Si je ne le fais pas, qui va le faire à ma place?
De quels moyens disposez-vous aujourd’hui?
Des moyens, nous n’en avons pas. Nous sommes tous bénévoles. Nos seuls revenus, on les doit à Amadou Dia Ba (médaillé d’argent olympique sur 400 m haies aux Jeux de Séoul en 1988, ndlr), qui parvient à trouver un peu d’argent ici et là grâce à ses relations. Mais nous avons besoin de pouvoir tenir des réunions, de disposer d’un stand aux Jeux Africains 2015 et d’élargir au plus grand nombre le programme du CIO de suivi de carrière des athlètes.
Depuis la création de votre commission, avez-vous bénéficié d’un soutien du CIO?
Oui. Nous sommes le relais en Afrique du CIO et de sa commission des athlètes. Claudi Bokel, sa présidente, est derrière nous à 100%. Elle nous encourage. Nous entretenons avec elle une relation étroite. Notre combat est aussi le sien. Mais la représentation des athlètes reste plus difficile en Afrique que dans le reste du mouvement olympique. L’athlète n’est pas la préoccupation des membres des comités nationaux olympiques. Ils restent avant tout des politiques. Nous écouter est la dernière chose dont ils aient envie.