Improbable scénario. L’Assemblée générale de SportAccord, l’association des fédérations sportives internationales, a tourné à l’affrontement direct, lundi 20 avril à Sotchi, entre deux des poids lourds du mouvement sportif: Marius Vizer,le président de SportAccord, et Thomas Bach, son homologue du CIO. Une guerre des mots à la violence rare dans un milieu où les coups se donnent plutôt avec le sourire.
Marius Vizer a tiré le premier. Invité à s’exprimer à la tribune en ouverture de l’Assemblée général de SportAccord, le dirigeant d’origine roumaine, par ailleurs président de la Fédération internationale de judo (IJF), a accusé très directement le CIO de mettre un frein à toutes les initiatives des fédérations internationales. « Après mon élection à la présidence de SportAccord, j’ai régulièrement essayé de développer avec le CIO et son président, Thomas Bach, une collaboration constructive. Malheureusement, elle n’est jamais devenue une réalité », a lâché Marius Vizer en préambule.
Puis Marius Vizer a enfoncé le clou, critiquant notamment la faible représentativité des fédérations internationales au sein du CIO. « La majorité des voix (au CIO) devrait revenir à des individus dont la fonction ou la position les place en relation directe avec le sport », a soutenu le président de SportAccord. Marius Vizer a également critiqué le CIO pour sa décision d’interdire aux villes candidates aux Jeux olympiques de faire une présentation de leur dossier dans le cadre de la Convention SportAccord.
Lancé comme un boulet, Marius Vizer a suggéré que le CIO avait sans doute atteint un point critique de son histoire. Il a qualifié son organisation de « dépassée, injuste, fausse et pas du tout transparente. » Il a estimé que son modèle économique était bancal. Surtout, il s’en est pris directement à Thomas Bach pour son hostilité au projet de SportAccord, jamais concrétisé, d’organiser tous les quatre ans une sorte de « championnat du monde unifié » où seraient regroupées toutes les disciplines. « Monsieur le Président, cessez d’interférer dans la stratégie de SportAccord en ce qui concerne l’organisation de conventions et de compétition multisport », a lancé Marius Vizer depuis la tribune.
La réaction de Thomas Bach a été immédiate. Invité à s’exprimer à son tour devant l’Assemble générale, le président du CIO a défendu longuement la position de son organisation, son rôle auprès des fédérations sportives et l’impact de l’Agenda 2020 sur le mouvement olympique. « Pour avoir parlé avec plusieurs de vos collègues, j’ai l’impression est que votre opinion ne reflète que vous-même », a lâché Thomas Bach à l’adresse de Marius Vizer. Avant de poursuivre: « Beaucoup d’entre eux ont fait des propositions très constructives (dans le cadre de l’Agenda 2020), qui ont permis de nouer une collaboration de plus en plus étroite entre le CIO et les fédérations internationales. »
La guerre est déclarée. Et elle s’annonce confuse. Deux fédérations internationales ont déjà choisi leur camp: l’IAAF et la Fédération internationale de tir. Elles ont annoncé, avant même la fin des débats, ce lundi 20 avril, leur décision de quitter SportAccord. Les autres suivront-elles? Probable. Il se murmurait, dans les couloirs de l’ExpoCentre de Sotchi, la formation prochaine d’une sorte de front anti-Vizer au sein des fédérations internationales. Un document a même déjà circulé, à Sotchi, entre les fédérations internationales, exprimant noir sur blanc leur désaccord face aux propos de Marius Vizer. Plusieurs d’entre elles l’ont signé sur le champ, dont la natation, le football, le badminton, le hockey, l’aviron et le triathlon.
Révélatrice de l’isolement de Marius Vizer dans son combat contre le CIO: la publication en milieu d’après-midi, lundi 20 avril, d’un communiqué du Sheikh Ahmad Al-Fahad Al-Sabah. Le président de l’Association des comités nationaux olympiques (ACNO), longtemps considéré comme un proche de Marius Vizer, y exprime au nom des 205 CNO son soutien sans faille à l’Agenda 2020 et à Thomas Bach. Une façon, élégante mais sans ambiguïté, de tourner le dos au président de SportAccord.
Interrogé en conférence de presse sur l’issue d’un tel bras de fer entre SportAccord et le CIO, Marius Vizer s’est servi pour répondre d’une étrange formule: « Il existe dans notre mouvement une différence entre les gens qui vivent pour le sport et les gens qui vivent grâce au sport. Les premiers resteront. Les autres pourront partir. »