Faut-il y voir un paradoxe, ou une pointe d’ironie? Le scandale de la FIFA, improbable feuilleton d’un printemps déjà historique pour le football mondial, est parti des Etats-Unis. Et, huit jours après le début de l’affaire, ses derniers rebondissements se jouent encore presque tous sur le sol américain. Un pays où le football a pourtant dû s’inventer un autre nom, « soccer », pour se distinguer de sa version américaine.
Mercredi 4 juin, le héros de la journée a été Chuck Blazer. Un Américain au look de vieux loup de mer (notre photo, en compagnie de Sepp Blatter). Cet ancien haut dirigeant de la FIFA, membre du comité exécutif entre 1996 et 2013, a reconnu que des pots-de-vin avaient été versés lors des processus d’attribution des Coupes du Monde de 1998 en France et 2010 en Afrique du Sud. Une bombe.
Les révélations de Chuck Blazer ne datent pas d’hier. Elles remontent à l’année 2013, au moment où il avait été inculpé de racket et corruption. Mais la justice américaine a choisi de les rendre publiques mercredi 4 juin.
« Durant la période où j’ai travaillé pour la FIFA et la Concacaf, j’ai entre autres commis avec d’autres personnes au moins deux actes d’activité de racket », a assuré Chuck Blazer. Le milliardaire américain, un moment incarcéré puis remis en liberté, est passé du rôle de mafieux à celui d’informateur de la justice. Il poursuit: « J’ai accepté avec d’autres personnes en 1992 ou autour de cette date de faciliter le versement d’un pot-de-vin pour la sélection du pays hôte de la Coupe du Monde 1998. »
Chuck Blazer se serait rendu au Maroc, l’un des pays candidats, accompagné d’un « complice ». Un personnage à l’identité encore mystérieuse, qui aurait acccepté un dessous de table en échange de sa voix le jour de l’élection.
Le scénario s’est reproduit pour la Coupe du monde 2010. « A partir de 2004 et jusqu’en 2011, moi et d’autres membres du comité exécutif de la FIFA avons accepté des pots-de-vin en vue de la désignation de l’Afrique du Sud comme pays organisateur de la Coupe du Monde 2010 », a-t-il admis.
L’Amérique a mis le feu aux poudres. Et il n’est pas difficile de prédire que la suite de l’histoire pourrait également se jouer entre New York et Washington. La ministre américaine de la Justice, Loretta Lynch, l’a assuré la semaine passée: « Nous n’en sommes qu’au commencement ».
L’avocat David Weinstein, cité par l’AFP, explique: « C’est un travail de longue haleine, mais il n’y a pas d’urgence (…) Ils réunissent des données ici et à l’étranger pour corroborer les accusations et ils avancent de plus en plus vers le sommet. » Sepp Blatter, surnommé par les services américains « Don Mafia », vient de tomber. Les autres têtes devraient suivre.
« C’est sans aucun doute une réaction en chaîne qui a été mise en place, avec les deux premiers dominos qui sont les frères Warner (fils de l’ex vice-président de la FIFA, Jack Warner), explique David Weinstein. Puis à partir de là, ils ont saisi la pièce suivante qui est Charles Blazer. Ils ont utilisé les éléments réunis auprès des Warner contre Blazer et ainsi de suite, comme ils l’avaient appris avec d’autres organisations du crime. »
Les experts s’attendent à voir sortir prochainement un acte d’accusation élargi au nom de Sepp Blatter. Jérôme Valcke, le secrétaire général de la FIFA, pourrait lui aussi se retrouver dans l’oeil du cyclone. « Si Sepp Blatter coopère, tout va tomber, tous les dominos vont s’écrouler », a expliqué à l’AFP Andy Spalding, un professeur de droit à l’Université de Richmond, en Virginie.
Un scénario qui devrait largement influer sur la prochaine élection à la présidence de la FIFA. Et même, qui sait, inciter certains potentiel candidats à la succession de Sepp Blatter à rester plutôt sagement à l’abri.