Sebastian Coe a pris officiellement possession de son bureau de président de l’IAAF ce lundi 31 août à Monaco. Le Britannique a été préféré à l’Ukrainien Sergueï Bubka, mercredi 19 août, pour succéder au Sénégalais Lamine Diack. Une élection annoncée très serrée, mais finalement assez confortable pour Sebastian Coe, élu avec 115 voix contre 92 à son rival. Présent au Congrès de l’IAAF à Pékin, le Français Jean Gracia, vice-président de l’Association européenne d’athlétisme (AEA), décrypte pour FrancsJeux l’élection présidentielle et les défis qui attendent Sebastian Coe.
FrancsJeux: Le résultat de l’élection, avec la victoire assez large de Sebastian Coe, est-il logique?
Jean Gracia: Il est difficile de parler de logique avec un scrutin où tous les pays membres de l’IAAF bénéficient d’une voix. Le principe est certes très démocratique, mais il se révèle aussi aléatoire. L’élection était très incertaine jusqu’à la veille du scrutin. Mais il est difficile de faire des pronostics précis avec 214 votants. Pour beaucoup de « petits » pays, la Fédération internationale reste une institution lointaine, éloignée de leurs préoccupations quotidiennes.
Entre Coe et Bubka, où s’est fait la différence?
Cette élection était assez exceptionnelle, car elle a mis aux prises deux grands athlètes, deux grands messieurs de l’athlétisme et du sport. A titre personnel, il m’a semblé que Sebastian Coe était plus armé pour relever les challenges qui attendent l’athlétisme mondial. Il a prouvé avec les Jeux de Londres en 2012 qu’il savait mener une équipe vers la victoire, puis vers la réussite. Il semble mieux armé que Sergueï Bubka pour convaincre des partenaires, par exemple, de s’engager aux côtés de l’IAAF.
Le vote a-t-il reflété une logique continentale?
Oui et non. Les associations continentales n’ont pas donné de consignes de vote à leurs états membres. Mais, sans trahir le secret des urnes, il semble que l’Asie et l’Océanie aient penché du côté de Sebastian Coe, alors que l’Afrique était partagée, tout comme l’Amérique du Nord, Centrale et les Caraïbes. Sergueï Bubka a eu les voix de l’Amérique du Sud. L’Europe, enfin, a plutôt voté pour Sebastian Coe.
La France n’avait pas fait mystère de son soutien pour le Britannique. Pourquoi?
Nous avons d’excellentes relations avec les deux candidats. Mais Bernard Amsalem, le président de la Fédération française (FFA), a estimé que Sebastian Coe était le plus à même de conduire l’équipe.
Sebastian Coe a expliqué avoir couvert 700.000 km en avion depuis les fêtes de Noël, pour rendre visite à un maximum de pays votants. Est-ce indispensable pour remporter la mise?
Oui. Sergueï Bubka a fait la même chose. Pour convaincre les pays, il faut aller les voir. Aller rencontrer les fédérations, chez elles, dans leur quotidien, comprendre leur culture de l’athlétisme, découvrir leurs réalités. Pendant ma campagne à la présidence de l’AEA (Jean Gracia y a été battu par le Norvégien Svein Arne Hansen), j’ai rendu visite aux 50 états membres de l’Association. Sebastian Coe a multiplié ce nombre par 4.
Pendant sa campagne, Sebastian Coe a promis qu’il doublerait l’aide de l’IAAF aux fédérations nationales au titre des revenus issus des Jeux olympiques. Pourra-t-il honorer cet engagement?
Oui. Mais il ne faut pas seulement doubler l’aide financière. Il doit y avoir, à la clef, une forme de convention entre l’IAAF et les fédérations nationales pour que l’argent versé serve au développement de l’athlétisme.
La question du dopage semble la plus urgente à régler pour le nouveau président de l’IAAF. Que peut-il faire?
Beaucoup de choses fausses ou imprécises ont été dites au cours des dernières semaines sur la question du dopage. L’IAAF reste l’une des fédérations internationales qui en fait le plus sur ce dossier, en y mettant de la volonté et des moyens. Il faut continuer, ne pas baisser la garde. Un groupe de travail avait été formé par Lamine Diack, Sebastian Coe l’a déjà confirmé.
Bernard Amsalem, le président de la FFA, était candidat à l’un des quatre postes de vice-président de l’IAAF. Il a été battu. Est-ce un échec pour lui-même et pour l’athlétisme français?
Non. Sebastian Coe élu à la présidence, la tâche de Bernard Amsalem devenait très compliquée, car Sergueï Bubka était quasiment assuré de devenir vice-président. Il était alors assez improbable de voir l’Europe obtenir un autre siège. Malgré cela, Bernard Amsalem a obtenu 108 voix. Il a été battu de seulement 3 voix. Un résultat assez exceptionnel.