L’événement est trop rare pour ne pas être souligné: les nombreuses affaires qui secouent actuellement le mouvement sportif international épargnent le cyclisme. La FIFA a été frappée la première, sans ménagement. Puis l’IAAF en a pris pour son grade. L’UCI, à l’inverse, traverse une période calme et presque sereine. Un effet Brian Cookson? Le président britannique de l’Union cycliste internationale (notre photo) était présent à Washington, à la fin du mois d’octobre, pour l’assemblée générale de l’Association des comités nationaux olympiques (ACNO). Il a accepté, pour FrancsJeux, de faire un large tour d’horizon des sujets les plus discutés du moment.
FrancsJeux: Le CIO a récemment suggéré de confier la gestion de la lutte antidopage, tous sports confondus, à une organisation unique et indépendante. Vous y êtes favorable?
Brian Cookson: L’idée est intéressante. Nous y sommes évidemment très favorables, à l’UCI, même s’il faudra en connaître les détails, les procédures et les moyens avant d’aller plus loin. Mais nous avons déjà emprunté cette voie, bien avant que le CIO en suggère l’idée. A l’UCI, nous avons créé une structure indépendante pour superviser les contrôles, nous avons mis en place une expertise légale et un tribunal indépendants pour traiter les questions liées au dopage. Nous sommes en avance sur la proposition du mouvement olympique. Et nous en sommes fiers. Malgré cela, nous serions prêts à collaborer à l’initiative d’une organisation indépendante assurant les contrôles de toutes les fédérations internationales, sous réserve que le projet s’avère réaliste et efficace.
Le CIO, encore lui, encourage vivement les fédérations internationales à privilégier la parité des sexes, jusqu’à en faire un critère d’éligibilité aux Jeux olympiques. Quel est l’état des lieux sur cette question dans le cyclisme mondial?
Nous consacrons énormément d’efforts et de moyens pour développer le cyclisme féminin. La première édition du World Tour féminin sera organisée l’an prochain. Les femmes sont plus impliquées que jamais, tout à la fois dans le cyclisme et au sein de l’UCI. Depuis mon élection, une commission féminine a été créée, nous avons désormais une femme à la vice-présidence et au moins une femme dans chacune de nos commissions. Nous sommes très actifs, en renforçant notamment la couverture télévisée des événements féminins. Aux Jeux de Tokyo en 2020, le nombre de médailles sera le même pour les filles et pour les garçons, même si les participants masculins seront plus nombreux en VTT et dans les courses sur route. Mais il faut être réaliste: sur le plan mondial, la pratique du cyclisme est moins importante chez les femmes que chez les hommes. Nous devons avancer pas à pas.
A neuf mois des Jeux de Rio, il semble que la construction du vélodrome accuse un important retard. Cela vous inquiète?
Les Brésiliens sont en retard, en effet. Mais ils nous ont assuré que le vélodrome serait terminé à temps pour les épreuves pré-olympiques du mois de mars 2016. Je n’ai aucune raison de ne pas leur faire confiance. Et je suis très optimiste pour les autres disciplines. L’épreuve pré-olympique de VTT a été un grand succès. Les problèmes rencontrés sur la piste de BMX lors des « test-events » seront réglés. Et la course sur route s’annonce très intéressante, sélective et extrêmement spectaculaire.
La banque danoise Saxo Bank, deuxième partenaire de l’équipe Tinkoff-Saxo, a annoncé le mois dernier sa décision de quitter le peloton. Le cyclisme professionnel n’est-il pas menacé par la fuite des sponsors?
La situation n’est pas inquiétante. Elle me semble largement plus favorable que 12 mois en arrière et me rend même plutôt optimiste. La saison dernière, nous avions seulement 16 équipes inscrites au Pro Tour. Pour la saison prochaine, nous avons reçu 17 dossiers de candidature, un dernier pourrait arriver. Il est donc possible que nous arrivions à 18 formations, le nombre maximum autorisé par le règlement du circuit. Certains nouveaux partenaires frappent à la porte, le paysage change, même si l’équilibre reste fragile. A nous, maintenant, d’aller chercher les ressources où elles se trouvent. En priorité dans les pays du Golfe. Ils possèdent les moyens et manifestent l’envie de s’investir dans le cyclisme. Notre intérêt, à l’UCI, est d’aller à leur rencontre.
Cinq villes postulent à l’organisation des Jeux de 2024. En votre qualité de président de l’UCI, comment évaluez-vous les dossiers de candidature des unes et des autres?
Pour nous, les Jeux de 2024 ne peuvent pas se résumer à deux semaines de compétitions olympiques et deux semaines paralympiques. Ils ne peuvent pas être réduits à des sites et des constructions. Nous regardons au-delà. Nous raisonnons en termes d’héritage que les Jeux laisseront pour le cyclisme et son développement. Les Jeux devront créer un véritable impact sur la pratique du cyclisme dans le pays, donner envie aux jeunes de s’y mettre. L’exemple des JO de Londres est très intéressant. Dans les mois qui ont suivi, le nombre de clubs de cyclisme a été en pleine progression en Grande-Bretagne. A l’UCI, nous étudierons les dossiers sous cet angle avant de prendre une position.