Le CIO est optimiste. Les organisateurs gardent confiance. Le mouvement sportif se veut serein. Les Jeux de Rio seront une fête, une réussite, un succès sans réserve. Admettons. Mais les dernières images postées du Brésil sur les réseaux sociaux laissent perplexes. Elles montrent une foule de plusieurs centaines de milliers de personnes dans les rues des principales villes du pays (notre photo). Un déploiement de forces qui n’a malheureusement rien à voir avec les festivités du carnaval. Le Brésil est descendu dans la rue, dimanche 13 mars, pour réclamer la tête de sa présidente, Dilma Rousseff.
Selon les chiffres officiels de la police, environ trois millions de Brésiliens ont défilé dans tout le pays aux cris de « Dilma dehors! ». Ils étaient 1,4 million à Sao Paulo, au plus fort de la manifestation. Une information nuancée par l’analyse d’un institut de sondage, Datafolha, qui fait état 500.000 personnes. Dans tous les cas, une telle mobilisation est sans égale dans l’histoire de la ville. Elle représenterait plus du double d’une marche de protestation organisée environ un an plus tôt.
Cible des manifestants: Dilma Rousseff. Le pays lui met sur le dos, en vrac, la récession économique, la crise politique et les affaires de corruption qui paralysent le géant d’Amérique latine depuis plus d’un an. Analyse d’un expert en sciences politiques, Sergio Praça, cité par l’AFP: « Le week-end a été très mauvais pour le gouvernement. Les manifestations ont été massives, plus qu’en 2015. C’est le pire scénario. Cela aura sans aucun doute un impact réel sur le processus d’impeachment. Le prix à payer pour soutenir le gouvernement est très élevé et les politiciens en sont conscients. Personne ne va vouloir couler avec le parti au pouvoir ».
Dilma Rousseff vit depuis décembre sous la menace d’une destitution (« impeachment »), lancée au parlement par l’opposition. Cette dernière accuse son gouvernement d’avoir maquillé les comptes publics en 2014 pour minimiser l’ampleur des déficits et favoriser la réélection de la présidente. Une procédure de destitution qui pourrait s’accélérer au cours de la semaine. Le président du Congrès des députés, Eduardo Cunha, a annoncé qu’il était prêt à reprendre les hostilités dès mercredi 16 mars.
De son côté le président du Parti-social démocrate brésilien (PSDB, centre-droit), a publiquement invité Dilma Rousseff à démissionner, « dans un geste magnanime, de générosité pour le pays ». Une option que l’intéressée refuse en bloc. Elle a assuré en fin de semaine passée qu’elle n’avait « aucune intention de démissionner ».
Sa dernière carte porte un nom illustre: Luiz Inacio Lula da Silva. Son prédécesseur à la tête du pays (2003-2010), acteur majeur de l’attribution par le CIO des Jeux d’été 2016 à Rio de Janeiro. Dilma Rouseff le presse de voler à son secours en intégrant le gouvernement. A l’évidence, Lula hésite. Ses déboires judiciaires ont entaché son image. Il serait tenté de se présenter à la présidence en 2018. A ce jour, il n’a pas encore livré sa réponse.
A moins de cinq mois de l’ouverture des Jeux de Rio, un tel climat ne rassure personne dans le mouvement olympique. Certes, les travaux avancent à bon train. Les organisateurs inaugurent un à un les derniers sites de compétition. Le parcours de golf a été utilisé la semaine passée. Le vélodrome, dernier « retardataire » du processus de construction, devrait être prêt à l’usage fin avril ou début mai.
Tout sera prêt, donc. Mais dans quel état? « Le pays traverse la plus grave crise économique de son histoire, explique le président d’une fédération internationale d’un sport olympique. Avec une telle situation, les organisateurs ont un immense mérite de continuer à avancer. Nous devons les aider. Nous le ferons. Mais il est difficile de ne pas se montrer inquiets en voyant des millions de personnes réclamer la tête de la présidente aussi près du début des Jeux. Je n’ai pas le souvenir d’un pays plongé dans une telle incertitude, politique et financière, à quelques mois de recevoir le monde entier. »