— Publié le 22 juin 2016

Craig Reedie, la politique de l’autruche

Institutions Focus

Sale temps pour Craig Reedie. A 75 ans, le dirigeant écossais pourrait profiter pleinement d’une carrière de dirigeant sportif international riche en honneurs et en responsabilités. L’ancien président du comité olympique britannique (1992 à 2005), entré au CIO en 1994, ne craint pas de cumuler les fonctions. Il siège à la commission exécutive de l’organisation olympique, dont il est également l’un des vice-présidents. Il préside depuis le 1er janvier 2014 l’Agence mondiale antidopage (AMA).

Pas mal pour un seul homme. Trop, peut-être. Depuis mardi 21 juin, son nom est au cœur d’une polémique sur le rôle de l’AMA tout au long de l’interminable feuilleton du dopage dans l’athlétisme russe. Une polémique ouverte par des documents et des révélations de la BBC. Selon la chaîne britannique, Sir Craig Reedie ne serait pas exempt de reproches sur une affaire dont les répercussions sont encore incertaines quant à la participation de la Russie aux Jeux de Rio 2016.

La BBC avance, preuves à l’appui, que le président de l’AMA savait que la chaîne allemande ARD allait diffuser au cours de l’été 2015 un nouveau documentaire dont le contenu pourrait ébranler les fondements les plus enfouis de l’athlétisme russe. Mais, plutôt que de passer à l’action et diligenter une enquête, il aurait préféré attendre. La BBC prouve ses allégations en publiant une note manuscrite écrite par Craig Reddie et envoyée à Sergueï Bubka, le vice-président de l’IAAF, alors en campagne pour la succession de Lamine Diack à la tête de l’athlétisme mondial. Une note rédigée sur papier à en-tête de l’AMA, où l’Ecossais prévient l’Ukrainien de la diffusion le 2 août 2015 du documentaire allemand.

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Le document de la BBC laisse peu de place au doute. Craig Reedie termine sa lettre par cette phrase : « J’espère que cela ne causera pas de dommages supplémentaires. »

La chaîne britannique explique sur son site Internet avoir montré le document à l’ancien enquêteur en chef de l’AMA, Jack Robertson, directement concerné par l’affaire puisqu’il travaillait pour l’Agence entre 2011 et 2016. Sa réaction: « Pour moi, cela signifie que sa loyauté va clairement vers les fédérations internationales ou nationales et pas à la protection des athlètes. Il aurait dû ardemment désirer découvrir si de nouvelles révélations allaient être faites, mais au lieu de cela il se soucie surtout de la gêne que cela pourrait causer à un vice-président de l’IAAF. Mais nous savons que Craig Reddie déteste les conflits. Tout cela est décevant, mais pas surprenant. Les athlètes propres ont besoin d’un défenseur, pas d’une autruche. »

Même son de cloche chez le journaliste allemand Hajo Seppelt, auteur de la série de documentaires diffusés par ARD sur le dopage d’état en Russie. « Tout ceci est très embarrassant pour le président d’une organisation internationale en charge de lutter en haut lieu contre le dopage. Il est plus préoccupé de tenter d’éviter des dommages aux différents sports que par le contraire: lutter contre la corruption et le dopage. »

La BBC s’est également procuré un courrier électronique, envoyé par Craig Reedie à plusieurs employés de l’AMA. Le document remonte au mois de décembre 2014, quelques jours après la diffusion d’un autre documentaire d’ARD sur la Russie. L’email suggère assez clairement que Craig Reedie voulait connaître l’impact que les révélations de la chaîne allemande avaient eu dans les médias avant de passer à l’action. « Combien de réactions de la presse, combien de tweets? », interroge le président de l’AMA. Avant de poursuivre: « J’ai besoin d’y réfléchir, je reviens vers vous dans la journée de demain. Une seule journée n’est pas significative. Envoyez-moi les statistiques. »

Selon la BBC, Craig Reedie avait pourtant reçu, la veille de son courrier électronique, un message de Travis Tygart, le directeur de l’agence américaine antidopage (USADA), l’implorant de passer très rapidement à l’action. Il l’a ignoré.