Au train où vont les choses, le golf évoquera bientôt au passé son aventure olympique. Dirigeants et joueurs en parleront comme d’une parenthèse, ouverte à Rio 2016, refermée après Tokyo 2020. Deux tournois, plus l’oubli. En cause, la cascade de forfaits pour le prochain tournoi olympique enregistrée depuis quelques semaines parmi les meilleurs golfeurs de la planète. Et, histoire d’en rajouter, les déclarations très peu diplomatiques de l’un d’entre eux, Rory McIlroy.
L’Irlandais ne fera pas le voyage vers Rio de Janeiro le mois prochain. Il a invoqué Zika pour justifier son absence. En soi, rien de condamnable. Les quatre meilleurs joueurs du monde seront absents du premier tournoi olympique depuis 112 ans: Jason Day, Rory McIlroy, Jordan Spieth et Dustin Johnson. Tous ont brandi la même raison, le fameux virus. « Une fausse excuse, suggère Steve Redgrave, la légende de l’aviron britannique. Bien sûr, ils aiment l’idée olympique, mais quand il s’agit d’aller au bout et de s’organiser pour participer, ils déclinent et accordent la priorité aux tournois majeurs. Le golf fonctionne sur des valeurs financières. Aux Jeux, une médaille ne rapporte pas d’argent. »
Jordan Spieth, le numéro 3 mondial, a mis les formes pour expliquer son renoncement. « La décision de ne pas participer aux Jeux a été la plus dure de ma carrière », a juré le jeune Américain. OK.
Rory McIlroy, lui, a mis les pieds dans le plat. A la question des Jeux de Rio, l’Irlandais n’a pas retenu ses mots lors d’une conférence de presse organisée au Royal Troon, en Ecosse, où débute jeudi 14 juillet le 145ème British Open. « Honnêtement, je crois que sa décision a été plus difficile à prendre que la mienne, a suggéré Rory McIlroy à propos de Jordan Spieth. Je ne sens pas du tout que j’ai laissé tomber le golf en me retirant des Jeux olympiques. Je ne joue pas au golf pour le développement de ce sport et pour essayer de le rendre populaire. Je joue au golf pour gagner des championnats et des tournois majeurs. Soudainement, en arrivant à ce point, on me colle la responsabilité de développer le sport. Ce n’est pas pour cette raison que je joue. Je joue pour gagner, pas pour amener des golfeurs sur le terrain. » Dans la salle, l’assistance a fait silence. Le propos devenait intéressant, à des années-lumières de l’habituelle langue de bois souvent utilisée en pareille circonstance.
La suite s’est révélée du même tonneau. Explosive. « Je suis très heureux avec la décision que j’ai prise et je n’ai aucun regret, a poursuivi Rory McIlroy. Est-ce que je vais suivre malgré tout les Jeux de Rio à la télévision? Probablement. Mais le golf ne sera pas un événement que je vais regarder. Je pense que je regarderai les épreuves d’athlétisme, de natation et de plongeon. En fait, les sports importants. » Fichtre.
Les dirigeants de la Fédération internationale de golf (IGF) ont dû en tomber de leur chaise. Et leurs oreilles ont certainement sifflé au moment choisi par l’Irlandais pour évoquer la délicate question du dopage, plus que jamais reliée comme un boulet à l’événement olympique. Après avoir expliqué qu’il n’avait jamais subi le moindre test sanguin durant sa carrière, le numéro 2 mondial a confié qu’il avait été contrôlé une seule fois par l’IGF depuis le début de l’année. Peu. Trop peu. « A mon sens, le golf est très en retard sur de nombreux sports sur la question de la lutte antidopage, suggère Rory McIlroy. Le golf a besoin de pratiquer des tests sanguins pour démontrer que ses joueurs sont propres. Il aura besoin de s’y mettre s’il veut rester dans le programme olympique. » Avec un tel « ambassadeur », pas sûr que cela soit suffisant.