Sombre ambiance. A moins de trois semaines de l’ouverture des Jeux de Rio, le mouvement olympique est censé montrer un visage impatient. A la place, il expose au grand jour ses divisions. En cause, une nouvelle fois, la Russie, nouvelle pomme de discorde du sport international.
En fin de semaine passée, certains médias ont eu accès à une lettre rédigée et signée par deux instances nationales, l’Agence américaine antidopage (USADA) et le Centre canadien pour l’éthique dans le sport (CCES). Un courrier envoyé au CIO et à son président, Thomas Bach. Les deux organisations y demandent l’exclusion de la Russie des Jeux de Rio. La Russie dans son intégralité, sa délégation au grand complet, non plus seulement son équipe d’athlétisme.
La lettre en question devait être envoyée cette semaine, après la publication ce lundi 18 juillet du rapport McLaren sur des soupçons de dopage massif de l’équipe russe aux Jeux d’hiver de Sotchi en 2014. Envoyée plus tard, mais rédigée à l’avance. Un timing suspect, qui ne fait pas grand cas de la présomption d’innocence.
« Nous écrivons au nom d’une communauté d’athlètes propres et des organisations antidopage qui font confiance au CIO pour défendre les principes de l’olympisme, peut-on lire dans la lettre de l’USADA et du CCES. Nous demandons que la commission exécutive du CIO prenne les mesures pour suspendre le comité olympique et paralympique russe aux Jeux olympiques de 2016 à Rio de Janeiro. »
La démarche laisse perplexe. Américains et Canadiens ont pris leur plume pour demander au CIO d’exclure la Russie sur la foi d’un rapport non encore publié. Une démarche nord-américaine qui aurait eu le soutien d’autres agences nationales antidopage, notamment allemande, néo-zélandaise et japonaise.
Patrick Hickey (ci-dessous), lui, a fait preuve de moins de retenue. Le président de l’Association des comités olympiques européens (EOC) n’a pas apprécié la démarche des Américains et Canadiens. Le dirigeant irlandais a été prévenu de l’existence du courrier par un mail de Beckie Scott, la présidente de la commission des athlètes de l’AMA. « Il semble y avoir une tentative de se mettre d’accord sur des sanctions avant même que toute preuve ait été présentée, a écrit Patrick Hickey dans un communiqué. Une telle intervention, avant la publication officielle du rapport McLaren, est contraire à tous les principes du droit à un procès équitable et pourrait avoir totalement miné la crédibilité de cet important rapport. Cet appel se base sur ce que ces agences antidopage affirment être les conclusions du rapport McLaren. Il est donc clair qu’à la fois l’indépendance et la confidentialité de ce rapport ont été compromises. »
Même réaction indignée de la part de Spyros Capralos, le président du comité olympique grec, membre de la commission exécutive de l’EOC: « Il est très décevant de découvrir que des acteurs importants du mouvement olympique cherchent à exclure des Jeux un autre membre de la famille olympique en si prenant de cette façon sournoise. Les véritables victimes de tout cela seront les athlètes de toutes les nations qui aspirent à une compétition juste et universelle. »
Zlatko Matesa, le président du comité olympique croate, ancien Premier ministre de Croatie, y est allé lui aussi de son indignation, mêlant sa voix à celle de son confrère grec: « Il est incroyable de voir que des acteurs majeurs du mouvement olympique essayent de former une coalition pour exclure un comité national olympique, avant même la publication des preuves dont ils se servent. »
A l’aube d’une semaine cruciale pour son avenir olympique, avec la publication du rapport McLaren ce lundi et la décision du TAS sur le recours déposé par les athlètes russes jeudi 21 juillet, la Russie vient de se découvrir une poignée d’alliés. Elle ne s’y attendait pas et ne l’espérait plus. Américains et Canadiens, eux, peuvent se mordre les doigts.