Prudence ou souci d’équité? Le CIO a renoncé à la manière forte, dimanche 24 juillet, dans l’épais dossier du sport russe. Les 15 membres de sa commission exécutive, réunis en urgence moins d’une semaine après la publication du rapport McLaren, ont décidé de ne pas exclure le comité olympique russe (ROC) des Jeux de Rio 2016. Ils ont maintenu la Russie dans le jeu olympique. Mais, précision d’importance, le CIO laisse aux Fédérations internationales (FI) le soin de faire le ménage devant leur propre porte. A elles, maintenant, de régler tout ou partie de la question d’ici l’ouverture des Jeux de Rio, vendredi 5 août. Pas vraiment un cadeau.
Cette décision du CIO, attendue depuis le début de la semaine, Thomas Bach l’a annoncée et expliquée lui-même, dimanche après-midi, au cours d’une conférence de presse téléphonique. « Cela ne plaira sans doute pas à tout le monde, a reconnu le dirigeant allemand. Mais il s’agit de rendre justice aux athlètes. Tous les athlètes doivent pouvoir avoir une chance de faire partie de leur délégation sous la présomption d’innocence. La décision a été unanime, après un sérieux débat centré sur les athlètes et la responsabilité du CIO. La question était de savoir à quel point on peut rendre un individu responsable de l’échec d’un système et de la manipulation de ce système par son pays. »
Une volonté de justice confirmée par le communiqué officiel du CIO, publié dimanche après-midi: « Dans ses délibérations, la commission exécutive a été guidée par une règle fondamentale de la Charte olympique, à savoir protéger les athlètes intègres et la probité du sport. »
Une option douce accueillie, sans surprise, avec des mots très conciliants du côté de Moscou. Vitaly Mutko, le ministre russe des Sports, a qualifié la décision du CIO d’objective. Il s’est dit « reconnaissant ». Il a assuré qu’une « majorité » des sportifs russes sélectionnés par le comité national olympique iront à Rio 2016. Une délégation qui pourrait compter jusqu’à 320 noms, à en juger par la liste publiée en fin de semaine passée par le comité olympique russe.
Fin de l’histoire? Pas sûr. Les 15 membres de la commission exécutive du CIO n’ont pas exclu la Russie des Jeux, certes, mais ils n’ont pas non plus déroulé le tapis rouge devant la délégation russe. Le CIO confie aux Fédérations internationales le soin de trier parmi les sportifs russes. Un tri qu’elles devront effectuer en urgence, dans les jours à venir, en respectant les critères établis par le CIO.
Le premier d’entre eux, le plus spectaculaire, précise qu’un athlète ne pourra pas participer aux Jeux de Rio s’il a déjà été sanctionné pour dopage. Y compris si l’athlète en question a purgé sa peine. Un critère qui sonne le glas du rêve olympique de l’athlète Youlia Stepanova, la lanceuse d’alerte à l’origine des révélations de la chaîne allemande ARD, pourtant déclarée éligible par l’IAAF. La jeune femme ne pourra pas aller aux Jeux, « malgré sa contribution à la protection des athlètes propres », précise le communiqué du CIO. Quid de Justin Gatlin, le sprinteur américain, lui aussi sanctionné pour dopage dans le passé, mais autorisé à courir le mois prochain à Rio?
Pour sélectionner les sportifs « propres », les Fédérations internationales devront également « étudier avec soin » le CV antidopage des candidats. Elles devront surtout s’assurer qu’ils ont tous subi des « contrôles crédibles », c’est à dire effectués ailleurs qu’en Russie.
A 12 jours de l’ouverture des Jeux, la tâche des Fédérations internationales semble colossale. Leur opération de « tri » s’apparente à un casse-tête. La FIVB, par exemple, maintiendra-t-elle l’équipe masculine de Russie de volley-ball, championne olympiques à Londres en 2012? La Fédération internationale de lutte aura-t-elle le temps et les moyens de « trier » les lutteurs russes? Pas simple.
Ironie de l’histoire: l’IAAF a fait savoir dès dimanche 24 juillet, par un communiqué de presse, qu’elle était « prête à apporter ses conseils aux autres fédérations internationales » pour régler la question de la Russie. Un comble.
Le communiqué du CIO est accessible en intégralité, dans sa version française, dans notre rubrique « Communiqués de presse »