Jean-Christophe Rolland ne pourra pas être accusé de passivité. Le président de la Fédération internationale d’aviron n’a pas tardé à passer à l’action pour défendre sa discipline, au moment où les organisateurs des Jeux de Tokyo envisagent de délocaliser le plan d’eau des épreuves olympiques. Et, sombre perspective, abandonner le projet de construction d’un nouvel équipement pour se rabattre sur un complexe déjà existant. Une option qui enverrait les rameurs batailler pour les médailles à plus de 400 km au nord-est de la capitale japonaise, dans la ville de Tome, dans la préfecture de Miyagi.
Jean-Christophe Rolland était présent à Tokyo en ce début de semaine. Sa visite était programmée. Mais le dirigeant français a bousculé son planning pour solliciter une rencontre avec les organisateurs des Jeux de 2020. Lundi 3 octobre, il a rencontré Yukihiko Nunomura, le sous-directeur du comité d’organisation, et Koji Murofushi, le directeur des sports. Une entrevue au terme de laquelle le président de la FISA n’a pas mâché ses mots. Il devait également rencontrer Yuriko Koike, la nouvelle gouverneure de Tokyo, très attachée depuis sa désignation à tailler à coups de serpe dans un budget olympique aux penchants très inflationnistes.
« J’ai été très surpris d’apprendre que les organisateurs envisageaient un changement de site pour l’aviron. Surpris, et pour ne pas dire plus, un peu déçu », a expliqué Jean-Christophe Rolland à sa sortie de l’entretien, s’exprimant devant un groupe de reporters locaux. L’ancien rameur, champion olympique en deux sans barreur aux Jeux de Sydney en 2000, a insisté sur la qualité du projet initial, un nouveau site de compétition à construire à Sea Forest: « A mes yeux, il ne fait aucun doute qu’il est parfaitement approprié au sport de l’aviron. »
Jean-Christophe Roland est le premier, le seul à ce jour, dirigeant international concerné par les possibles changements dans la carte des sites à avoir rencontré les organisateurs japonais depuis l’annonce, la semaine passée, des conclusions du groupe d’experts sur les coûts des Jeux. John Coates, le président de la commission de coordination du CIO pour les Jeux de 2020, s’est entretenu par téléphone, vendredi dernier, avec les leaders de Tokyo. Quant à Thomas Bach, il a évoqué la question lors de sa visite à Paris, au cours du dernier week-end. Mais le dirigeant allemand s’est contenté de répondre que, en effet, les coûts avaient tendance à grimper à Tokyo, en raison notamment du prix de l’immobilier. « Nous ne savons pas encore ce que contient réellement ce rapport, a nuancé Thomas Bach. Mais nous allons en discuter de manière constructive avec le comité d’organisation. »
Les Japonais n’en font pas mystère: construire des nouveaux sites de compétition coûte cher, beaucoup trop cher dans un contexte de dépassement vertigineux du budget initial. Peu leur importe de proposer désormais un dispositif très éloigné du dossier de candidature. La priorité est de rester le plus possible dans les clous. Tant pis pour l’aviron, un sport où le potentiel de développement au Japon est aujourd’hui jugé peu en rapport avec l’effort financier exigé par la construction d’un plan d’eau olympique et de ses infrastructures.
Pour Jean-Christophe Rolland, à l’inverse, l’enjeu est de taille. Le président de la FISA a engagé depuis deux ans un long processus de réforme du programme olympique de l’aviron pour les Jeux de Tokyo. Une forme de révolution dans les mœurs de sa discipline rendue nécessaire par les exigences de l’Agenda 2020. Les membres de la FISA doivent en débattre lors d’un Congrès extraordinaire justement prévu à Tokyo, au mois de février 2017. Au cœur des discussions, la parité dans le nombre des épreuves (7 masculines et 7 féminines, contre 8/6 actuellement), et la possible réduction du nombre de courses réservées aux rameurs poids légers.
Dans un tel contexte, le président de la FISA n’entend pas céder face à la volonté des Japonais de sacrifier le site d’aviron au prétexte de son coût. A en croire les médias nationaux, les organisateurs japonais ont tenté de le « rassurer » pendant leur entrevue, lundi 3 octobre. Yukihiko Nunomura l’aurait assuré que le site initial, à Sea Forest, reste à ce jour le seul qui ait été validé par toutes les parties concernées. Mais le risque demeure.