Le taekwondo et le pentathlon moderne vivent-ils leurs dernières années au sein de la famille olympique ? La réponse pourrait bientôt surgir de la cheminée du siège du CIO, à Lausanne, comme la fumée blanche au-dessus du Vatican. La commission exécutive de l’institution aux cinq anneaux doit se réunir, les 12 et 13 février 2013, pour décider si l’un ou l’autre des sports figurant au programme des Jeux d’été sortira de la classe, en 2020, pour laisser la place à l’un des sept postulants (1). Et, surtout, lequel. Prudent, le CIO n’a cité aucun nom. Mais il n’est un secret pour personne que le taekwondo et le pentathlon moderne pointent aux premiers rangs des plus menacés. Pourquoi eux ? Quelles sont leurs chances de « survie » ? Comment peuvent-ils s’en sortir ? Tentatives de réponses.
Pourquoi eux ?
Au pentathlon moderne, il est reproché un caractère désuet, voire vieillot. Il n’aurait de moderne que le nom. Surtout, il véhicule une image et une pratique résolument élitistes. Enchainer escrime, natation, tir, équitation et course à pied n’est pas à la portée de tout le monde, même dans les pays les mieux équipés. En Afrique, le pentathlon moderne n’existe pas, ou très peu. Seulement deux Africains figurent parmi le top 50 mondial. Ils sont égyptiens… et appartiennent à la même famille.
Le taekwondo, plus universel, traîne comme un boulet d’avoir été préféré au karaté, nettement plus populaire, lors de son intégration au programme olympique, lors des Jeux de 2000 à Sydney. A l’époque, le lobby coréen, incarné par Kim Un-Yong, président de la Fédération internationale de taekwondo (WTF) avait contribué à forcer la porte des Jeux, comme discipline de démonstration (1988 et 1992), puis dans le programme officiel. Précision : Kim Un-yong, longtemps vice-président du CIO, a été poussé à la démission en janvier 2004 après avoir été accusé de corruption.
Comment peuvent-ils s’en sortir ?
Pour sa « défense », le pentathlon moderne peut mettre en avant ses efforts répétés pour changer son image et son format. Depuis 1996, la compétition est disputée sur une seule journée. Aux Jeux de Londres, l’épreuve féminine était programmée le dernier jour des Jeux. De l’avis général, elle a offert un spectacle passionnant et télégénique. Le pentathlon peut également compter sur des soutiens de poids, au sein de la famille olympique. Citons, en vrac, le Prince Albert de Monaco, l’Espagnol Juan Antonio Samaranch Jr. (vice-président de la Fédération internationale), l’Allemand Thomas Bach, un ancien escrimeur et proche de la discipline, ou encore Joël Bouzou, champion du monde en 1987, président de l’Association Mondiale des Olympiens. Surtout, il peut jouer sur la corde historique. Personne n’a oublié, en effet, que le pentathlon moderne a été inventé par Pierre de Coubertin. L’inventeur des Jeux dont l’année 2013 marque, justement, le 150ème anniversaire de la naissance.
Jacques Rogge, le président du CIO, a pu constater en personne à quel point la Corée du Sud poussait de tout son poids en faveur du taekwondo, en début de mois, lors de sa visite officielle en Asie. La question a été abordée devant lui par la nouvelle présidente sud-coréenne, Park Geun-hye, sans nuance ni ambiguïté. La dirigeante a mis en avant les valeurs de la discipline et ses vertus éducatives. A cinq ans des Jeux d’hiver de Pyeongchang, ses propos ont sûrement été entendus. Autre atout du taekwondo : son universalité. Depuis ses débuts olympiques, il a permis à des pays rarement appelés sur les podiums, comme l’Iran, l’Afghanistan, le Vietnam ou la Thaïlande, de décrocher des médailles.
Quelles sont leurs chances de « survie » ?
Dans les deux cas, elles sont réelles. En excluant le pentathlon moderne, le CIO jetterait aux oubliettes une partie de son histoire. Le Baron de Coubertin se retournerait dans sa tombe. L’institution olympique condamnerait également à mort une discipline dont l’existence ne tient aujourd’hui, dans la majorité des pays, que par son label olympique.
En rayant le taekwondo du programme, le CIO se mettrait à dos la Corée du Sud, organisatrice des Jeux d’hiver de 2018. Il fâcherait également tous les pays, nombreux, où cette discipline s’est imposée comme une pourvoyeuse de médailles. A Londres, l’été dernier, les 32 médailles mises en jeu ont été distribuées entre 21 nations.
Conclusions : pour avoir institué que le programme olympique ne pourrait accepter plus de 28 sports, le CIO se trouve dans une situation difficile. Pour faire entrer un sport, il faut en effet en retirer un autre. En écartant l’une ou l’autre des disciplines les plus menacées, il s’expose à certaines tensions politiques. A l’inverse, on comprendrait mal qu’il ait fait patienter sept candidats (1) dans l’antichambre, pour leur annoncer finalement de revenir plus tard. A moins qu’il décide de ne pas choisir, conservant tout son monde tout en faisant de la place pour un nouveau-venu.
(1) Les sept sports en course pour intégrer le programme olympiques aux Jeux de 2020 sont : karaté, escalade, wushu, baseball/softball, squash, wakeboard et roller.