Le rugby français ne craint pas l’exagération. En visite à Chalon-sur-Saône, pour y présenter la maquette et les grandes lignes du projet de Grand stade de la Fédération française de rugby, Alain Doucet, le secrétaire général de la FFR, a eu ces mots : « Nous en avons marre d’être des SDF. »
Excessif, pour un sport dont la France entière rêverait d’accueillir une rencontre de l’équipe nationale. Mais, dans les faits, pas tout à fait inexact. A ce jour, le XV de France ne sait pas où il affrontera les All Blacks, puis les Springboks, en novembre prochain. La logique voudrait que ces matchs de la tournée d’automne se disputent au Stade de France, à Saint-Denis. Mais le contrat entre la FFR et le consortium de l’enceinte francilienne arrive à échéance le 30 juin. Et les dirigeants fédéraux ont quitté la table des discussions relatives à sa reconduction. Alain Doucet le dit sans nuance : « Nous ne voulons plus remplir les caisses du Stade de France. »
Le secrétaire général de la FFR le répète comme un refrain à chacune des étapes de son tour de France des comités régionaux (Grenoble aujourd’hui, Valence demain, l’Isle-sur-Sorgue samedi…) : « On nous demande 1,3 million d’euros pour le stade par match, somme à laquelle il faut ajouter 1,5 million d’euros de rachat des panneaux publicitaires. Pour couronner le tout, nous avons calculé le manque à gagner pour un seul match de l’équipe de France, il se situe à environ 3 millions d’euros. Cela ne peut plus continuer. »
Poussé par le ministère des Sports, le consortium du Stade de France avait accepté de revoir ses conditions à la baisse : 1 million d’euros de location du stade pendant quatre ans, au lieu de 2, 8 millions. Un geste que la FFR a refusé. Depuis, le dialogue est rompu. Au ministère, on explique d’un air gêné attendre le retour de Pierre Camou, le président de la FFR, actuellement en Nouvelle-Zélande avec l’équipe de France, pour ramener les deux parties à un échange plus cordial. Une opération de médiation qui ne semble pas gagnée d’avance.
A quelques jours de son congrès, prévu à Hyères du 20 au 22 juin, la FFR pousse en effet à fond son projet de Grand stade. L’enceinte couverte de 82 000 places a déjà un terrain, l’hippodrome de Ris-Orangis, un architecte, le cabinet britannique Populous, et une date d’ouverture, la fin de l’année 2017. Reste à trouver l’essentiel : l’argent. Le budget total, estimé à 600 millions d’euros, sera assuré par la Fédération, sur ses fonds propres et grâce à un emprunt. La FFR a même imaginé un financement original, plafonné à 200 millions d’euros : un emprunt obligataire, par tranches de 5 ans. Le titre aura un taux de 0% et sera remboursé à terme sur 30 ou 40 ans. Les particuliers qui auront prêté de l’argent à la FFR ne pourront espérer aucun bénéfice, mais ils bénéficieront d’un accès prioritaire sur les billets des rencontres disputées dans ce futur Grand stade.