Menace de gros temps sur le sport kényan. Ses subventions viennent d’être gelées par le CIO. Plus grave: son comité olympique se retrouve placé sous la menace imminente d’une suspension par l’organisation olympique. Inquiétante perspective pour un pays dont le sport constitue tout à la fois un ascenseur social et un outil de promotion internationale. Aux derniers Jeux de Rio, le Kenya s’est glissé à la 2ème place du classement des médailles en athlétisme. Les Etats-Unis ont fait mieux, mais ils ont été les seuls à y parvenir.
A ce jour, la sanction est purement économique. Le CIO a annoncé, jeudi 9 mars, avoir décidé de geler ses aides financières au Kenya. Mais la suite du feuilleton pourrait avoir des effets plus dramatiques, et surtout plus durables. Le dossier kényan figure en bonne place dans l’ordre du jour de la prochaine réunion de la commission exécutive du CIO, prévue jeudi 16 et vendredi 17 mars à PyeongChang, en Corée du Sud. Ses membres pourraient décider de suspendre le comité national olympique du Kenya (NOCK). Une suspension qui pourrait s’étendre jusqu’à trois ans.
La raison de tout cela remonte aux Jeux de Rio 2016. Au Brésil, les officiels de la délégation kényane ont vécu un séjour olympique très différent dans son contenu que leurs athlètes. Pendant que ces derniers se succédaient en bon ordre sur les podiums du stade d’athlétisme, accueillant d’une larme et d’un sourire timide leur hymne national, leurs dirigeants étaient engagés dans une vaste et lucrative opération de détournement d’argent et d’équipements sportifs.
Quelques semaines après la fin des Jeux, le chef de mission de la délégation olympique, Stephen Arap Soi, a été accusé d’avoir volé 250.000 dollars aux autorités. Le numéro 2 du comité olympique, Ben Ekumbo, a été inculpé deux mois plus tard de vol d’espèces et de tenues sportives officielles. La police l’a découvert caché sous son lit, à son domicile, dans l’espoir d’échapper aux poursuites. Selon une enquête du ministère des Sports, les vols et détournements perpétrés à l’occasion des derniers Jeux attendraient la somme de 800.000 dollars.
Sans grande surprise, les autorités du pays ont prononcé en fin d’année passée la dissolution du comité national olympique, présidé par Kip Keino, l’ancienne légende du demi-fond. Depuis, le CIO et l’Association des comités olympiques africains (ACNOA) ont tenté de régler le problème. D’abord conciliant, puis devenu plus ferme, le CIO a exigé du comité olympique kényan une réforme de ses statuts.
Par deux fois, ces derniers jours, les nouveaux statuts ont été soumis au vote. Par deux fois, ils ont été rejetés. Mercredi 8 mars, les 13 membres du comité exécutif du NOCK ont tous voté contre, empêchant l’adoption d’une nouvelle constitution, par ailleurs approuvée par les représentants des 19 fédérations olympiques (une majorité des deux tiers était nécessaire pour adopter le texte).
Réaction du CIO, via un communiqué: « Le CIO est extrêmement déçu de l’attitude du comité olympique kényan (NOCK) qui n’a pas entrepris les réformes adéquates qui lui avaient été demandées. En conséquence, tous les paiements destinés au NOCK ont été suspendus jusqu’à une décision du comité exécutif de la CIO, lors d’une réunion prévue la semaine prochaine. »
Le CIO et l’ACNOA avaient dépêché des observateurs à Nairobi, en début de semaine, pour superviser la réunion supposée décisive du comité olympique kényan. « Ils n’ont pas beaucoup aimé ce qu’ils ont vu, je crains que le Kenya doive bientôt faire face à des sérieux problèmes », a confié Barnaba Korir, l’un des dirigeants de l’athlétisme kényan, cité par Associated Press.
Seule « bonne nouvelle »: une suspension de son comité olympique ne mettrait pas en péril la participation du pays aux Jeux de Tokyo en 2020. Elle pourrait même permettre à son mouvement sportif de reconstruire la maison. Il aurait devant lui trois années pour monter les murs et faire un grand ménage.