Situation confuse au Qatar. Confuse et incertaine. Le micro-état du Golfe, devenu l’une des pièces maîtresses sur l’échiquier du sport mondial, vit depuis deux semaines une situation inédite d’isolement diplomatique. L’Egypte, les Emirats Arabes Unis, Bahreïn, le Yémen et l’Arabie Saoudite ont rompu toutes les relations avec Doha. Ses voisins reprochent au Qatar de financer le terrorisme et de se montrer trop proche de l’Iran. Et pourtant, miracle du football, tout semble avancer comme sur des roulettes dans la préparation du Mondial 2022.
Début juin, au début de la crise, la FIFA avait fait savoir via un communiqué très avare en mots et en commentaires « être en contact très régulier avec le comité local d’organisation. » Difficile de faire plus opaque. Jeudi 15 juin, le directeur exécutif du comité d’organisation, Ghanim al-Kuwari, a rompu le silence pour assurer, une main sur le cœur, que la situation actuelle n’avait « aucun impact négatif sur la préparation de la Coupe du Monde 2022 ».
A en croire le Qatari, l’isolement qui enveloppe le pays n’affecte en rien les travaux de construction des stades de football. A 5 ans de l’événement, les chantiers seraient bouclés à 45%. Le travail se poursuit, affirme Ghanim al-Kuwari, sans le moindre signe de ralentissement. Certes, les routes d’accès depuis l’Arabie Saoudite sont bloquées, empêchant l’entrée des matériaux. « Mais nous avons trouvé des sources d’approvisionnement alternatives, a-t-il expliqué à Reuters. Et nous fabriquons désormais une partie des matériaux dans le pays. »
Avant le début de la crise, le Qatar faisait transporter les stocks par voie terrestre. Désormais, il se tourne vers la mer. A Doha, le port Hamad tourne à plein régime depuis deux semaines.
Officiellement, tout va bien. Sur les chantiers, les ouvriers ne sont pas menacés de chômage technique. A la FIFA, la ligne de téléphone entre Zurich et Doha ne présente aucune anomalie. Il n’empêche, l’institution du football va se trouver très rapidement confrontée à un problème.
Mardi 13 juin, les joueurs de l’équipe nationale du Qatar sont apparus sur la pelouse, au moment de l’échauffement avant leur match face à la Corée du Sud en qualification du Mondial 2018, vêtus de tee-shirts blancs figurant le portrait de l’émir Sheikh Tamim bin Hamad Al-Thani (photo ci-dessus). Plus tard, pendant la rencontre, le milieu de terrain Hasan Al-Haydos a brandi le tee-shirt vers la foule, après avoir ouvert le score sur un coup franc.
Seul ennui, mais de taille: la FIFA interdit tout message politique, religieux ou commercial sur les tenues des joueurs. En vertu de ce règlement, l’équipe du Qatar risque des sanctions disciplinaires. Elle pourrait être suspendue. Quelle sera l’attitude de la FIFA? En appliquant la règle, elle durcirait encore l’isolement du Qatar, ajoutant une couche sportive au boycott diplomatique. En faisant preuve de clémence, elle favoriserait une nouvelle fois un état et une fédération trop riches pour être tout à fait honnêtes.
A Lausanne, le CIO ne rencontre pas le même problème. Il en a d’autres. Mais la situation du Qatar est observée de près. Jeudi 15 juin, le porte-parole de l’organisation olympique, Mark Adams, a exprimé « l’espoir que le boycott diplomatique et économique imposé au Qatar par ses voisins du Golfe ne ralentisse pas le développement du sport dans la région. » Prudent, Mark Adams a précisé à Reuters que le CIO restait « neutre sur le plan politique et continuait à entretenir des relations avec tous les comités nationaux olympiques de la région. » En clair, pas question de sanctionner l’Egypte, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Yémen ou Bahreïn, pour leur attitude à l’égard du pays sportivement le plus riche et influent du Golfe.
A court terme, la crise au Qatar pourrait affecter le mouvement sportif très au-delà du Moyen-Orient. Pour la seule année 2017, le pays accueille 72 compétitions, dont 39 sont inscrites au calendrier international. En 2019, Doha doit organiser les championnats du Monde d’athlétisme IAAF.