Le grand retour de la diplomatie sportive? Pas si vite. La photo ci-dessus en apporte la preuve, Thomas Bach, le président du CIO, s’est entretenu de façon très formelle avec Moon Jae-In, le nouveau chef de l’Etat sud-coréen. Une rencontre organisée lundi 3 juillet dans un lieu qui lève toute ambiguïté quant au caractère très officiel de la rencontre: la « Maison Bleue », le palais présidentiel de Séoul. Les deux hommes ont évoqué la Corée du Nord. Pas vraiment le sujet le plus léger du moment. Mais ils avaient le sourire, au moment de poser pour la postérité devant les photographes. Leur poignée de mains a été franche. Cool.
Selon un communiqué du CIO, publié au terme de l’entrevue, Thomas Bach et Moon Jae-In ont parlé des Jeux de PyeongChang 2018. Normal. Ils ont aussi évoqué la question d’une participation de la Corée du Nord aux prochains Jeux d’hiver. Tout aussi normal. Le sujet est d’actualité. Le président sud-coréen l’a glissé avec insistance dans son récent discours à l’inauguration des championnats du Monde de taekwondo, organisés à la fin du mois dernier à Muju, expliquant qu’il espérait que les prochains Jeux puissent servir à relancer, voire assouplir, les relations entre Séoul et Pyongyang. Il a même suggéré que les deux Corées jouent la carte de l’audace en présentant une seule et même équipe en hockey sur glace féminin dans le tournoi olympique.
Lundi 3 juillet, Moon Jae-In a très formellement sollicité l’aide du CIO pour remettre au goût du jour le concept très marqué années 60 de la « diplomatie sportive ». « Si la Corée du Nord participe, cela sera une contribution non seulement à l’esprit olympique, mais aussi à la paix dans la région et dans le monde », aurait exprimé le président sud-coréen, cité par son porte-parole.
Thomas Bach aurait pu saisir la balle au bond. Il s’est montré prudent, même assez tiède. Le communiqué du CIO précise de façon très laconique que l’organisation olympique « apporte son soutien à plusieurs athlètes nord-coréens afin de les aider à se qualifier. » Quant aux propos officiels du dirigeant allemand, ils évitent sagement le sujet: « Le CIO se félicite vivement de la vision du président Moon concernant la contribution des Jeux olympiques au dialogue et à la réconciliation sur la péninsule coréenne et au-delà. Nous pouvons nous attendre à d’excellents Jeux olympiques d’hiver offerts par la Corée au reste du monde ».
La Corée du Sud pousse, le CIO temporise. Curieux. A la vérité, Thomas Bach se garde bien d’avancer à découvert sur un terrain miné, où l’horizon reste encore très incertain, voire carrément bouché. A l’exception des propos très volontaires de Moon Jae-In, rien ne laisse envisager une participation de la Corée du Nord aux prochains Jeux d’hiver.
L’histoire, d’abord. La dernière équipe commune des deux Corées remonte aux championnats du Monde de tennis de table en 1991. Depuis, le mouvement olympique se repasse en boucle l’image très symbolique, mais assez anecdotique, d’une gymnaste sud-coréenne posant pour un selfie avec une rivale de Corée du Nord aux Jeux de Rio 2016 (photo ci-dessous). La Corée du Nord a participé aux Jeux Asiatiques 2014 à Incheon, en Corée du Sud. Une délégation de ses athlètes a pris part le mois dernier aux Mondiaux de taekwondo en Corée du Sud, mais seulement dans le cadre d’une démonstration organisée pendant la cérémonie d’ouverture.
Les faits, ensuite. Soyons clairs: la Corée du Nord ne pèse pas lourd dans l’univers des sports d’hiver. Deux athlètes aux Jeux de Vancouver 2010, aucun à Sotchi 2014. A ce jour, seulement deux patineurs artistiques semblent de taille à se qualifier pour les Jeux de PyeongChang 2018, dans l’épreuve des couples. Le projet très politique d’un rapprochement des deux Corées sur la scène olympique pourrait donc être étouffé dans l’œuf, faute de combattants. A moins que le CIO bouscule ses habitudes et, avec l’aval des fédérations internationales, distribue une poignée d’invitations à la Corée du Nord. Une façon simple, mais inédite, de répondre favorablement à l’aide sollicitée lundi 3 juillet par Moon Jae-In.
Le contexte, enfin. Depuis son arrivée au pouvoir en 2011, Kim Jong Un s’amuse avec l’arme nucléaire comme s’il s’agissait d’un vulgaire jeu de l’oie. Dernier incident en date: le lancement ce mardi matin d’un nouveau missile balistique en direction du Japon. Il serait tombé en mer du Japon.