Le CIO a toujours eu le goût de la politique. Par nature et par tradition. Mais il en apprécie peu les règles. Les six candidats à la succession de Jacques Rogge sur le siège présidentiel n’ont eu que quinze minutes, pas une de plus, pour s’exprimer devant leurs pairs, jeudi après-midi à Lausanne, dans le cadre de la session extraordinaire de l’institution. C’est peu, pour faire campagne. Et beaucoup à la fois. L’exercice constitue en effet une première dans l’histoire plus que centenaire du mouvement olympique.
Hasard du tirage au sort, le Portoricain Richard Carrion a ouvert ce grand oral, organisé à huis clos, sans possibilité de présenter un film. Deux heures plus tard, l’Ukrainien Sergeï Bubka a fermé la salle. Dans l’intervalle, les membres du CIO ont vu défiler le Singapourien Ng Ser Miang, l’Allemand Thomas Bach, le Taïwanais C.K. Wu et le Suisse Denis Oswald. Commentaire de Jacques Rogge élu douze ans plus tôt sans avoir eu à « subir » une telle présentation : « C’était une bonne idée d’organiser cela. Plusieurs membres l’avaient demandé. C’était très intéressant, des très bons programmes bien articulés. »
Sur le fond, rien de révolutionnaire. Les six candidats se sont employés à répéter leurs thèmes de campagne, déjà distribués par écrit à l’ensemble des membres. Ils ont pris la peine de dire ce que leurs pairs voulaient entendre, proposant plus ou moins clairement un retour aux visites des villes candidates, usage abandonné depuis le scandale de corruption aux Jeux de Salt Lake City.
Sur la forme, les uns et les autres ont présenté un visage assez différent. « On peut voir l’attitude des candidats, s’ils sont plus ou moins sûrs, convaincants, quelle est leur présence, à quoi ressemble cette personne quand elle se tient face au monde, représentant votre organisation, c’est un exercice intéressant », a estimé le Canadien Dick Pound, qui fut lui-même candidat malheureux contre Rogge il y a 12 ans, cité par l’AFP. Avant de poursuivre : « Les valeurs principales sont plus ou moins les mêmes. Mais leur approche est différente, la façon d’accorder des priorités dans leurs actions. »
Thomas Bach, annoncé comme favori, s’est avoué très satisfait de l’exercice. « J’attendais cela avec hâte, comme une compétition sportive quand vous entrez enfin en scène, a expliqué l’Allemand, se risquant à une comparaison très sportive. Vous pouvez vous sentir bien à l’entraînement mais l’important, c’est d’être bien le jour de la finale et la finale c’est le 10 septembre. Dans cette course, il n’y a que la médaille d’or qui compte. »
Denis Oswald, le Suisse francophone, président de la FISA, s’est dit « heureux d’avoir fait passer » son message. Richard Carrion, le banquier portoricain, a assuré avoir parlé avec son cœur « pour leur faire savoir ce que j’avais à l’esprit. »
Pour rappel, l’élection à la présidence du CIO, le 10 septembre prochain, opposera les six dirigeants suivants :
Thomas Bach, Allemagne, 59 ans. Président du comité olympique allemand, champion olympique de fleuret par équipes en L’ancien escrimeur a décroché l’or olympique au fleuret par équipes à Montréal en 1976 quinze avant 1976, membre du CIO depuis 1991. Avocat et homme d’affaires. Le favori.
Sergei Bubka, Ukraine, 49 ans. Toujours recordman du monde du saut à la perche, champion olympique en 1988, sextuple champion du monde. Président du comité olympique ukrainien, vice-président de l’IAAF. Le plus jeune du lot, le plus connu du grand public. Le plus novice, également.
Richard Carrion, Porto-Rico, 60 ans. Homme d’affaires et banquier, patron de Commission des finances du CIO. L’institution lui doit la signature du pharaonique contrat de 4,38 milliards de dollars avec la chaîne américaine NBC pour l’exclusivité des droits télé des Jeux aux Etats-Unis jusqu’en 2020. Un sérieux candidat.
Ng Ser Miang, Singapour, 64 ans. Ancien skippeur, ambassadeur de Singapour en Norvège. Vice-président du CIO, patron du comité d’organisation des Jeux olympiques de la Jeunesse en 2010. Très apprécié, très diplomate. Proche de Jacques Rogge.
Denis Oswald, Suisse, 66 ans. Avocat et professeur de droit, médaillé de bronze en aviron aux Jeux de 1968. Président de la FISA depuis 1989. Très consensuel. Sans doute le meilleur connaisseur des arcanes du CIO. Devrait pouvoir compter sur le soutien, et sur la voix, de Jean-Claude Killy.
Wu Ching-Kuo, Taïwan, 66 ans. Président de la Fédération internationale de boxe amateur (AIBA) depuis sept ans. Membre du CIO depuis 1988. Architecte. Il s’est fait remarquer en faisant bâtir en Chine un musée en l’honneur de l’ancien président du CIO Juan Antonio Samaranch.
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