Les championnats du monde de boxe entrent dans leur dernière ligne droite à Hambourg. Une deuxième série de demi-finales est au programme de ce vendredi 1er septembre. Les titres mondiaux se joueront samedi dans le décor un rien vieillot de la Sporthalle. Place au sport, donc. Au moins sur le ring.
En coulisses, une autre forme de combat se dispute entre le président de l’AIBA, le Taïwanais CK Wu, et le camp de ses opposants, mené par le Canadien Pat Faccio et l’Italien Franco Falcinelli. En poste depuis 2006, réélu à l’unanimité en 2014, le premier est attaqué depuis plusieurs semaines par les seconds avec un acharnement peu fréquent dans le monde pourtant souvent agité du mouvement sportif international.
En juillet dernier, une majorité des membres du comité exécutif de l’AIBA a tenté de pousser CK Wu à la démission. En vain. Depuis, les opposants ont constitué un comité exécutif intérimaire (IMC), puis empêché le personnel de l’organisation d’accéder au siège fédéral à Lausanne. Les deux camps ont saisi la justice vaudoise. A la veille de la fin des Mondiaux masculins 2017, où en est-on? Explications et état des lieux.
Que reproche l’opposition au président CK WU? Officiellement, sa gestion financière de l’AIBA. L’organisation internationale présente une saine trésorerie, avec 6 millions d’euros en banque, et l’assurance d’une dizaine de millions d’euros de recettes en marketing événementiel, après avoir bouclé jusqu’en 2021 ses appels d’offres pour l’organisation des Mondiaux masculins, féminins et juniors. Elle a signé au cours des derniers mois des contrats de partenariat avec le constructeur automobile chinois Borgward, la société chinoise Alisport, filiale du groupe Alibaba, et l’équipementier Adidas. Mais son endettement est considérable.
En cause, deux sombres dossiers. Le premier concerne un prêt de 10 millions d’euros accordé plusieurs années en arrière par une société d’Azerbaïdjan pour le financement de la version américaine de la WSB, le circuit professionnel de l’AIBA. Un remboursement échelonné avait été récemment négocié par l’AIBA. Mais, mauvaise surprise, le préteur azéri a tourné sa veste et veut désormais récupérer sa mise en une seule fois. Un revirement qui pourrait être purement politique.
La deuxième affaire porte sur un investissement de 19 millions de dollars réalisé par une société de Hong Kong, FCIT, dans le cadre du développement de BMA, la filiale de l’AIBA spécialisée dans le marketing et les droits commerciaux. Seul ennui, mais de taille: BMA a fait un flop. L’AIBA est en train de la liquider. Mais l’investisseur chinois réclame lui aussi son argent.
Les deux dossiers ne sont pas nouveaux. Les opposants à CK Wu les connaissent de longue date. Ils s’en servent aujourd’hui comme d’un bélier pour faire tomber le président de l’AIBA.
Que peut-il arriver dans les prochaines semaines? Les deux camps ont saisi la justice de Lausanne. Les opposants contestent la légitimité de CK Wu à conserver le pouvoir malgré la défiance de la majorité du comité exécutif. Le président sortant, de son côté, ne reconnait par un comité exécutif intérimaire (IMC) contraire aux statuts de l’organisation. La juge suisse saisie du dossier a entendu les deux parties. Elle ne devrait pas rendre sa décision avant la mi-septembre.
L’opposition réclame la tenue avant la fin de l’année d’un congrès extraordinaire. Elle souhaite l’organiser à Dubaï vers la mi-novembre. Son objectif: forcer l’AIBA à inscrire à l’ordre du jour un vote de confiance sur le président sortant. En face, CK Wu ne semble pas disposé à se plier à un nouveau congrès extraordinaire. Statutairement, il n’en a pas l’obligation.
Dans tous les cas, une assemblée générale élective est prévue en novembre 2018 à Moscou. CK Wu se représentera-t-il? Il n’a pas encore annoncé sa décision.
CK Wu peut-il perdre le pouvoir? Au stade actuel de l’histoire, le dirigeant taïwanais n’est pas directement menacé. Rien ne l’oblige à démissionner. Il semble quasiment exclu que la juge suisse en charge du dossier donne raison à un comité exécutif intérimaire formé à la hussarde, sans respect des textes de l’organisation internationale.
Mais la position de CK Wu semble néanmoins fragilisée. L’opposition ne relâche pas la pression. Elle inonde les fédérations nationales de mails, avec l’espoir d’isoler le président sortant.
Derrière les critiques sur la gouvernance et la gestion de l’AIBA se devine une querelle d’hommes. Avec, en filigrane, le contrôle de la boxe mondiale.