L’histoire se répète. Mais elle n’arrange personne. Près de 20 ans après le spectaculaire épisode du scandale des Jeux de Salt Lake City, une nouvelle affaire menace de faire vaciller le mouvement olympique. Dans le rôle vedette, Carlos Nuzman, « Monsieur JO » de Rio 2016, président du comité olympique brésilien, membre honoraire du CIO. Un mois après les premières perquisitions à son domicile, il a été arrêté jeudi à Rio de Janeiro. Il est soupçonné d’avoir participé à un réseau international d’achats de voix dans la course aux Jeux d’été en 2016.
L’affaire est grave. Surtout, elle n’en est sans doute qu’à ses premiers épisodes. Selon un communiqué de la police brésilienne, Carlos Nuzman est accusé de « corruption, blanchiment d’argent et participation à une organisation criminelle ». Un réseau planétaire dont le Sénégalais Papa Massata Diack, fils de l’ancien président de l’IAAF, serait également l’un des personnages clés.
Les faits. Jeudi 5 octobre, un bataillon d’une vingtaine de policiers frappe à la porte du domicile de Carlos Nuzman, au petit matin, dans le quartier chic de Leblon, à Rio de Janeiro. Ils doivent procéder à l’arrestation « à titre temporaire » de l’ancien président des Jeux de 2016, une arrestation ordonnée par un juge fédéral. Elle constitue le deuxième étage d’une fusée annoncée très offensive, l’opération « Jeu déloyal ».
Un peu plus tard, la police se rend au domicile d’un autre personnage central de l’organisation des derniers Jeux d’été, Leonardo Gryner, l’ancien directeur des opérations, souvent présenté comme le bras droit de Carlos Nuzman. Il est l’objet des mêmes accusations. Les deux hommes auraient été placés en détention provisoire pour cinq jours renouvelables.
Dans une conférence de presse, tenue le jour même à Rio, les autorités judiciaires ont apporté quelques détails quant aux agissements de Carlos Nuzman. Ils en disent long. Selon Fabiana Schneider, la procureure en charge du dossier, le dirigeant brésilien aurait augmenté son patrimoine personnel de 457% au cours de ses dix années à la tête du comité olympique brésilien. Deux semaines après la perquisition à son domicile, opérée le 5 septembre dernier, Carlos Nuzman a amendé sa déclaration fiscale, pour y ajouter l’équivalent de 600.000 dollars de revenus.
La procureur a également révélé que l’ex patron des Jeux n’avait pas seulement versé 2 millions de dolars pour s’assurer de l’attribution des Jeux à Rio de Janeiro, mais au moins 4 à 500.000 dollars de plus. Enfin, elle a expliqué que la perquisition avait permis de mettre la main sur la clef d’un coffre dans une banque suisse. Il contiendrait 16 lingots d’or d’un poids de 1 kilo chacun. A la dernière cotation, 1 lingot se négocie à environ 35.000 euros. Valeur totale: 560.000 euros.
Commentaire très ironique de Fabiana Schneider: « Pendant que les athlètes poursuivaient leurs rêves d’une médaille d’or, des dirigeants du comité olympique cachaient leur or en Suisse. »
Selon les autorités judiciaires, Carlos Nuzman et Leonardo Gryner ont eu « des conversations directes avec Papa Massata Diack, des conversation très franches, où étaient précisés des montants qui devaient être versés sur des comptes. »
La procureure Fabiana Schneider n’en a pas fait mystère: Carlos Nuzman a clairement tenté de faire obstruction à la justice. Elle a également assuré détenir assez d’éléments pour certifier que l’argent reçu par le dirigeant olympique l’avait été de façon « illicite ». Puis elle a prévenu: « Nous sommes en train de montrer que le Brésil n’est plus un paradis pour les gens corrompus et les voleurs. Nous visons tous ceux qui pensaient ne jamais avoir à rendre compte de leurs actes. »
L’affaire Nuzman ne s’arrêtera pas là. La justice brésilienne, aidée par les services français et américains, devrait continuer à creuser dans les comptes des Jeux et du mouvement olympique. Il n’est pas exclu de voir bientôt tomber d’autres têtes.
En attendant, le CIO s’est contenté d’une réaction sans surprise ni audace, d’une désespérante prudence. Dans un court communiqué envoyé jeudi après-midi depuis Lausanne, il a indiqué « prendre note » de l’affaire. « Le président de la commission d’éthique du CIO (l’ancien secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon) a demandé aux autorités brésiliennes des informations complètes afin de poursuivre l’enquête du CIO et a offert son entière coopération », indique le communiqué.
Le CIO explique également envisager des « mesures provisoires » à l’encontre de Carlos Nuzman, mais en respectant « la présomption d’innocence » et son « droit à être entendu ». Il n’a pas précisé la nature des « mesures provisoires ». Attendre avant d’agir, botter en touche. L’éternelle stratégie du CIO.