Le lieu est inhabituel. A partir de ce lundi 6 novembre, les regards du monde du football vont se tourner vers les Etats-Unis. A Brooklyn, un quartier de New York, un procureur fédéral va consacrer les prochaines semaines à démontrer comment la corruption s’est glissée depuis un quart de siècle au sein de la FIFA comme un reptile rampant.
Le procès était attendu. Il intervient deux années et demie après le spectaculaire coup de filet de la justice américaine, réalisé dans la matinée du 27 mai 2015, dans un hôtel de luxe de Zurich. Aidés par les services de la police suisse, les Etats-Unis avaient alors procéder à l’arrestation de sept dirigeants de haut rang du football mondial.
Depuis, la justice américaine s’est plongée dans le dossier avec des manières d’archéologue. En plus de deux ans d’enquête, elle a rassemblé des milliers de documents. A lui seul, le résumé des charges compte 236 pages. Il recense 92 délits différents et 15 cas de corruption. « L’une des enquêtes financières internationales les plus complexes jamais menées », selon le fisc américain. Elle porterait sur environ 200 millions de dollars d’argent sale.
Pas moins de 42 individus et deux sociétés de marketing sportif sont mis en accusation. Mais seulement trois dirigeants, tous sud-américains, prendront place à partir de ce lundi sur le banc des accusés.
Le premier, José Maria Marin, craint plus le scandale que la sanction. L’avenir lui importe peu. Ancien président de la Fédération brésilienne de football, il avoue aujourd’hui plus de 85 ans. Le deuxième, Juan Angel Napout, 59 ans, a longtemps présidé la Fédération paraguayenne et la confédération sud-américaine CONMEBOL. Enfin, Manuel Burga, à la tête de la Fédération péruvienne de football entre 2002 et 2014, a été membre du comité de développement de la FIFA.
Les trois hommes devront répondre d’accusations de corruption et fraude. Ils sont passibles de peines allant jusqu’à 20 ans de prison.
Sur les 42 personnes mis en accusation depuis l’ouverture de l’enquête, 24 dirigeants ont accepté un deal avec la justice américaine afin d’éviter le procès. Parmi eux, le Guatémaltèque Hector Trujillo, et le Britannique d’origine grecque Costas Takkas, condamnés respectivement à 8 et 15 mois de prison. Les 22 autres attendent de connaître leur sort. Il n’a pas été précisé si certains d’entre eux seront amenés à témoigner au cours du procès.
Avec 42 accusés, dont 24 cas déjà traités ou en cours de règlement, il reste 18 dirigeants sur lesquels la justice américaine doit encore se prononcer. Mais ils seront seulement 3 sur le banc des accusés, à partir de ce lundi 6 novembre, lorsque débutera au tribunal de Brooklyn la sélection des jurés.
Où sont donc les 15 autres? Dans la nature. Certains se cachent. Les autres vivent en réfugiés dans leur propre pays, refusant une extradition aux Etats-Unis.
En tête de liste, Jack Warner. L’ancien président de la CONCACAF est inculpé par la justice américaine depuis le mois de mai 2015. Il a avoué un jour avoir reçu la valeur de 6 millions de dollars en pots-de-vin pendant ses années dans les instances du football international. Depuis sa radiation de la FIFA, il est retourné à Trinité-et-Tobago, son pays d’origine, où il combat avec une certaine tranquillité son extradition vers les États-Unis.
Interrogé récemment par l’AFP, il a expliqué avec un certain aplomb: « La FIFA me doit de l’argent. Je viens juste d’entamer les démarches pour récupérer ce qui m’est dû, car si Blatter et les autres récupèrent le leur, pourquoi pas moi ? »