Les Américains en passeront-ils eux aussi par l’étape du référendum avant de postuler à l’organisation des Jeux olympiques? Probable. A en croire les dernières nouvelles olympiques, la tendance à la consultation pourrait bientôt toucher également les Etats-Unis. Un paradoxe dans un pays où les Jeux s’avèrent pour l’essentiel une affaire privée.
En fin de semaine passée, la « commission exploratoire » appelée à plancher sur une possible candidature de Denver aux Jeux d’hiver en 2030 a présenté son rapport aux autorités de la ville et de l’état du Colorado. Sans grande surprise, il se révèle très positif. Mais, étrange, le document de 230 pages, préparé depuis décembre dernier par une équipe d’une trentaine de personnalités locales (dont Peyton Manning, l’ancien quarterback des Denver Broncos, et Chauncey Billups, l’ex joueur des Denver Nuggets en NBA), suggère l’organisation d’un référendum afin de consulter la population du Colorado sur le projet olympique.
Selon la presse locale, le groupe d’experts a ratissé large avant de rédiger son rapport. Il a consulté les patrons d’entreprises américaines, organisé des réunions dans les quartiers de Denver, mené un sondage en ligne auprès de 9500 habitants. Le résultat révèle un intérêt unanime pour une candidature aux Jeux d’hiver 2030. Sa conclusion tient en deux certitudes: Denver et le Colorado auraient toutes les capacité à organiser les Jeux d’hiver, une candidature olympique bénéficierait du soutien de l’état.
Le document prévoit un budget plutôt modeste, compris en 1,8 et 2,1 milliards de dollars (1,5 à 1,8 milliards d’euros). Il envisage un financement exclusivement privé. Il prévoit même la prise en charge par des fonds privés de certaines dépenses liées à la sécurité des Jeux, un secteur jusque-là placé sous la responsabilité des autorités publiques. Le rapport inclut la souscription par le futur comité d’organisation d’une assurance, dont le coût atteindrait 115 millions de dollars, censée couvrir un éventuel dépassement de budget.
Pas le moindre risque, donc, pour les contribuables de devoir mettre la main à la poche. Et pourtant, le document préparé par la commission exploratoire préconise en toutes lettres l’organisation d’un référendum, au plus tôt en 2020.
La raison? Elle est double. La première tient au contexte. Aux Etats-Unis comme ailleurs, l’idée olympique divise. A Denver, la ville en est seulement à l’étude de faisabilité, mais un groupe d’opposants a déjà été constitué. Il a pris le nom de « NOlympics », utilisé avec succès par les militants anti-Jeux de 2024 à Boston. A sa tête, un magnat de l’immobilier, Kyle Zeppelin, et un ancien gouverneur du Colorado, Richard « Dick » Lamm. Il pointe du doigt les risques de dérapages budgétaires, l’impact des Jeux sur l’environnement, et les effets d’un tel événement sur le trafic et le coût du logement.
L’autre raison est historique. Dans un passé souvent oublié, Denver a écrit un épisode de l’histoire olympique resté unique dans les annales. La capitale du Colorado s’était vue attribuer en mai 1970 l’organisation des Jeux d’hiver 1976. Mais les opposants au projet ont mené la riposte. Avançant des arguments économiques et écologiques, ils ont contraint les autorités de l’état à organiser un référendum. En novembre 1972, la population a voté contre l’octroi d’un budget de 5 millions de dollars du Colorado au financement des Jeux d’hiver. Denver a rendu son contrat de ville-hôte. L’événement olympique a été attribué, en deuxième main, à la ville autrichienne d’Innsbruck.
La route reste longue. Le comité olympique américain a ouvert cette année une première phase de candidature, à laquelle ont répondu Denver, Salt Lake City et Reno-Tahoe. Le CIO ne devrait pas ouvrir la campagne pour les Jeux de 2030 avant la fin de l’année 2021, pour une élection à l’automne 2023. Mais la tendance au référendum, jusque-là très européenne, gagne du terrain en Amérique du Nord. Pas vraiment une bonne nouvelle pour le CIO.