Le chiffre en dit long sur l’état du chantier. Au cours des sept dernières années, 10 référendums sur un projet olympique ont été organisés dans des villes ou des régions en phase de candidature aux Jeux, hiver ou été. En comptant le dernier en date, marqué dimanche 10 juin par un non de la population du Valais aux JO d’hiver à Sion en 2026, seulement deux ont été positifs. Dans les huit autres consultations, le non l’a emporté, parfois à une grande majorité.
Autre signe alarmant: dans un passé plus ancien, la « votation » avait été par deux fois favorable à une candidature de Sion aux Jeux d’hiver. En juillet 1969, puis en juin 1997. L’idée d’organiser les Jeux dans le Valais faisait alors presque l’unanimité. Aujourd’hui, ses partisans sont minoritaires.
En apprenant le résultat du référendum sur le projet Sion 2026, le CIO s’est fendu comme à son habitude, dès dimanche 10 juin, d’un sobre communiqué. L’organisation olympique y souligne que les habitants du Valais se sont faits une opinion sur le coût des Jeux à partir « d’informations dépassées ». Elle pointe également que ses « récentes réformes », destinées à réduire la facture de l’événement, « n’ont pas été prises en considération ».
Le CIO dit vrai. A Pékin, la semaine passée, la délégation de PyeongChang 2018 venue présenter son livre de comptes à l’occasion du débriefing post-olympique a annoncé, non sans fierté, un excédent budgétaire estimé à « plusieurs millions de dollars ». Les Jeux rapportent, donc, sous réserve de ne pas se lancer dans la construction de nouvelles stations de sports d’hiver à partir d’une page blanche, comme s’y sont essayés les Russes à l’occasion des JO de Sotchi 2014.
Le CIO dit également vrai à propos de ses réformes. L’Agenda 2020, adopté en décembre 2014 à Monaco, puis la Nouvelle norme, présentée en février dernier à PyeongChang, fourmillent de bonnes idées pour faire du neuf avec du vieux, limiter les dépenses et épargner le contribuable.
Et pourtant, les référendums se suivent et le non l’emporte. Preuve que la perception des Jeux parmi le grand public, au moins en Europe, ne change pas. L’événement reste associé aux surcoûts, au gaspillage et aux éléphants blancs. « Trois semaines de fête, 30 ans de dettes », ont martelé les anti-Jeux avant le référendum sur le projet Sion 2026. A l’évidence, le message s’est révélé plus convaincant que les efforts de l’équipe de candidature d’expliquer les subtilités de l’Agenda 2020 et les innovations de la Nouvelle norme.
En attribuant d’un coup les Jeux d’été 2024 à Paris et 2028 à Los Angeles, le CIO ne s’est pas seulement donné de l’air. Il a également fait le pari de deux éditions assez fiables et solides sur leurs jambes pour redonner aux anneaux une image moins écornée. Possible. Mais pas certain. A Paris, la carte des sites a déjà été retouchée à plusieurs reprises, le futur centre olympique s’écrit encore au conditionnel, et le risque de surcoût est souligné d’un trait épais dans un rapport de l’Inspection générale des finances. Pas l’idéal pour redonner au public une totale confiance quant à la maîtrise budgétaire des Jeux.
Que faire? Pour Balazs Fürjes, l’ancien président de Budapest 2024, contraint lui aussi de se garer sur le bas-côté dans la perspective d’un référendum, il est urgent que le CIO se décide à soutenir les villes candidates dans leurs efforts de mobilisation de la population. Un soutien qui pourrait notamment porter sur une campagne de communication à grande échelle.
Pour Florian Chappot, un conseiller municipal à Sion, en charge des Affaires sociales, le temps est peut-être venu pour le CIO de partager avec les organisateurs les risques de dépassement budgétaire. « Le CIO ne peut pas qu’accumuler les bénéfices mais doit partager les risques avec les organisateurs, a-t-il écrit sur Twitter au soir de l’échec du référendum sur Sion 2026. Le CIO doit abandonner l’idée qu’une ville soit l’organisateur et prenne tous les risques. »
En attendant, une autre ville candidate pourrait bien devoir affronter prochainement l’obstacle d’une consultation populaire. A Graz, en Autriche, le Parti communiste autrichien (KPO) appelle à l’organisation d’un référendum sur la candidature aux Jeux d’hiver 2026. L’une de ses élues, Elke Kahr, a commenté ainsi la victoire du non dans le Valais suisse: « Ce résultat nous encourage dans notre volonté de forcer l’organisation d’un référendum à Graz ».
Le KPO a lancé une pétition, en janvier dernier, pour soumettre le projet olympique à une consultation populaire. Selon les chiffres annoncés par le parti, elle aurait déjà recueilli 9.500 signatures. Il en faut au moins 10.000 pour l’organisation d’un référendum. En octobre dernier, la population d’Innsbruck s’était prononcée par vote contre une candidature de la ville aux Jeux d’hiver en 2026.