Sergueï Bubka peut respirer un grand coup. Sa réputation est intacte, son avenir de dirigeant ne sera pas compromis. L’ancien perchiste ukrainien, ex-recordman du monde, a été blanchi mercredi 22 août 2018 des soupçons de corruption sur sa personne dans l’attribution à Rio de Janeiro des Jeux d’été en 2016.
La nouvelle est tombée via un communiqué de l’Unité d’intégrité dans l’athlétisme (AIU), la nouvelle structure indépendante créée par l’IAAF pour mettre son nez dans les affaires de dopage ou de corruption, nombreuses en ces temps difficiles, mettant en cause les dirigeants, entraîneurs ou athlètes. Après avoir enquêté sur des virements suspects effectués par Sergueï Bubka pendant la campagne de candidature aux Jeux de 2016, l’AIU a refermé le dossier en expliquant « ne prendre aucune mesure à l’encontre de Sergueï Bubka. »
L’Ukrainien est propre, estime l’AIU. Au moins pour l’instant. « Sur la base des éléments disponibles pour le moment, il n’y a pas, prima facie, de cas d’infraction aux règles de l’IAAF », avance-t-elle, précisant avoir mené l’enquête « pendant près d’un an. » En clair, l’ex perchiste n’aurait corrompu personne, comme il l’a toujours affirmé.
Mais l’AIU suggère aussi que « les investigations criminelles sont en cours », et qu’elle pourrait donc se ressaisir du dossier dans le cas où de « nouvelles preuves émergeraient. » Scénario peu probable.
Rappel des faits. En septembre 2017, Le Monde publie une enquête à charge sur Sergueï Bubka. L’article du quotidien, titré « Soupçons de corruption au CIO : les liaisons dangereuses de Sergueï Bubka », révèle l’existence de versements suspects à l’un des acteurs majeurs du scandale de corruption autour de l’attribution des Jeux à Rio en 2016, Valentin Balakhnichev, l’ancien président de la Fédération russe d’athlétisme, et trésorier de l’IAAF, aujourd’hui suspendu.
Le Monde avance, sur la foi de documents, que Sergueï Bubka aurait effectué le 18 juin 2009 un virement de 45 000 dollars à New Mills Investments Ltd, une société offshore domiciliée à Niévès, un paradis fiscal des Antilles. Fait troublant : l’ayant droit de New Mills Investments n’est autre que Valentin Balakhnichev, soupçonné d’avoir caché des cas de dopage dans son pays et d’avoir rançonné des athlètes.
La veille du virement de Sergueï Bubka, New Mills Investments avait transféré une somme similaire – 45 033 dollars – à la société Pamodzi Sports, propriété de Papa Massata Diack, fils de l’ancien président de l’IAAF Lamine Diack, lui aussi suspendu.
Par ailleurs, une enquête criminelle a établi un lien entre l’homme d’affaires brésilien Arthur Cesar de Menezes Soares Filho et la société Pamodzi Sports. Le premier aurait versé 1,5 million de dollars sur le compte de la seconde au cours des dernières semaines précédant le vote du CIO pour l’attribution des Jeux de 2016. A l’époque des faits, Lamine Diack était toujours président de l’IAAF. Il était surtout membre de plein droit du CIO. Il votait, donc.
Difficile, face à une telle concordance des dates et des chiffres, de ne pas conclure à une tentative de corruption de Sergueï Bubka par les nombreux intermédiaires, Papa Massata Diack et Valentin Balakhnichev en tête, impliqués dans la campagne de candidature aux Jeux de 2016.
Sergueï Bubka n’a jamais contesté l’existence d’un virement à New Mills Investments. Mais il l’a justifié par une prestation de consultant dans le cadre du développement à l’international des Pole Vault Stars, une compétition de saut à la perche en salle organisée dans sa ville natale de Donetsk, en Ukraine.
Affaire classée, donc. Sergueï Bubla ne rejoindra pas Frankie Fredericks, autre ancienne gloire de l’athlétisme, emporté par la vague des affaires de corruption. L’Ukrainien peut conserver ses nombreuses casquettes, dont la vice-présidence de l’IAAF et un statut de membre de la commission exécutive du CIO. Dans le cas contraire, le mouvement olympique tout entier aurait été ébranlé.