— Publié le 28 août 2018

Pour l’eSport, un strapontin pour assurer le spectacle

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Anecdotique ou historique ? L’eSport a fait un grand pas en avant, dimanche 26 août à Jakarta, en s’offrant un strapontin dans l’univers des sports dits traditionnels.

Une exhibition, rien de plus, organisée dans le cadre grandiose des Jeux Asiatiques à Jakarta et Palembang. Mais l’événement a fait le buzz, en Indonésie et ailleurs.

Pour la petite histoire, cette première compétition a été disputée avec un jeu sur smartphone, Arena of Valor, produit et développé par le groupe chinois Tencent. En finale, la Chine a battu le Vietnam. Logique : la version chinoise du jeu, Honor of Kings, recenserait actuellement 200 millions de joueurs. Dans la salle, 5.000 spectateurs. Au même moment, le stade d’athlétisme de Jakarta sonnait tristement creux malgré un alléchant programme.

Aux Jeux Asiatiques, l’eSport a été convié par l’Association des comités olympiques d’Asie (OCA) en qualité d’invité. Il n’est pas sport officiel. Ses épreuves, organisées autour de 6 jeux électroniques différents, dont quelques mastodontes du marché comme League of Legends, Clash Royale et Pro Evolution Soccer, sont qualifiées de simples exhibitions. Elles ne distribuent pas la moindre médaille.

Il n’empêche, son entrée dans la place est perçue comme un tournant. Ses officiels ne s’y trompent pas. Kenneth Fok, le président de la Fédération asiatique des sports électroniques, a ouvert la compétition au son des roulements de tambour. Il a qualifié le moment d’historique, et assuré à son auditoire qu’il s’agissait du premier pas sur la route des Jeux olympiques.

Présomptueux ? La suite répondra. Mais Kenneth Fok en connaît un rayon sur le mouvement olympique et sur ses usages. Il est le fils de Timothy Tsun Ting Fok, éminent dirigeant du sport à Hong Kong, membre du CIO entre 2001 et 2016, aujourd’hui assis parmi les membres honoraires.

A Jakarta, Kenneth Fok n’a pas caché ses motivations. « Notre objectif ultime est d’intégrer les Jeux olympiques, a-t-il répété à l’envi. C’est notre mission, notre passion, et ce qui nous fait avancer. Quand ? Je ne sais pas. Je ne veux pas le prédire. »

 

 

Patience, donc. Mais le phénomène semble inéluctable. Le CIO ne s’y est pas trompé, conviant le ban et l’arrière-ban de l’industrie du eSport, le mois dernier à Lausanne, pour le premier forum sur les sports électroniques, organisé à un jet de pierre de la statue du baron Pierre de Coubertin.

A Jakarta, pas moins de 18 pays ont engagé des équipes dans les épreuves de sports électroniques. En tête de liste, les meneurs du mouvement, Corée du Sud, Chine, Taïwan, Hong Kong et Japon. Un rang derrière, une cohorte de nations où la pratique serait en plein boom : Iran, Arabie Saoudite, Ouzbékistan, Pakistan ou Sri Lanka.  Aux manettes du tournoi, l’entreprise chinoise Alisport, filiale du groupe Alibaba, l’un des derniers entrés dans le programme marketing TOP du CIO. Les compétitions sont diffusées en direct à la télévision dans une partie de l’Asie et en Amérique du Nord.

En Asie du sud-est, l’entrée de l’eSport aux Jeux Asiatiques est suivie comme on observe un événement historique. « Je reçois tellement d’appels que je dois recharger mon téléphone quatre fois par jour, a expliqué à Reuters le président de la Fédération thaïlandaise des sports électroniques, Santhi Lothong. Tout le monde veut en être. »

Pour Johnson Yeh, le manager pour l’Asie du sud-est du studio Riot Games, propriété du groupe Tencent et développeur du jeu League of Legends, les Jeux Asiatiques 2018 pourraient bien marquer un tournant dans l’évolution du secteur. « L’événement va contribuer à légitimer les jeux électroniques, notamment auprès du grand public et des autorités politiques. Il peut créer de nouvelles vocations et constituer une source de motivation pour les joueurs. »

En Thaïlande, l’eSport recense actuellement 2.000 joueurs professionnels. Krit Suphattaraphong, 23 ans, sélectionné dans l’équipe nationale aux Jeux Asiatiques 2018, est l’un d’eux. A Jakarta, il a raconté avoir débuté sa carrière en jouant la nuit sur son téléphone portable, sous sa couverture, en cachette de ses parents. « Quand mes résultats scolaires ont commencé à s’en ressentir, ils m’ont menacé de me chasser de la maison si je n’arrêtais pas le jeu. »

Mais le jeune Thaïlandais n’a pas cédé. Aujourd’hui, son équipe est sponsorisée par Toyota et par une société de production audiovisuelle, Kantana. « Maintenant, mes parents m’encouragent à m’entraîner toujours plus », dit-il.