Mauvais timing. A une semaine du congrès électif de sa fédération internationale (IBU), le monde du biathlon est secoué par une nouvelle affaire de dopage. Sans surprise, elle touche la Russie. Mais ses conséquences pourraient s’étendre ailleurs.
Les faits, d’abord. La Fédération internationale de biathlon a publié un bref communiqué, jeudi 30 août, relatif à une affaire de dopage. Le texte se révèle très laconique : « La Fédération internationale a averti aujourd’hui la Fédération russe à propos d’une violation du code antidopage concernant quatre athlètes. La Fédération russe et les athlètes impliqués ont maintenant 14 jours pour répondre aux interrogations. Si les violations au code antidopage ne sont pas reconnues comme telles, ces affaires seront portées devant le comité d’audition spécialisé de l’IBU. »
Pas le moindre nom. Pas un seul indice pour tenter de deviner l’identité des tricheurs, la nature des infractions et la période concernée. La Fédération russe n’a pas non plus levé le voile sur le mystère de ces biathlètes. Tout juste a-t-elle reconnu que trois d’entre eux avaient aujourd’hui rangé leurs carabines et mis un terme à leur carrière, le dernier du quatuor n’appartenant pas à l’équipe nationale.
Alors, qui ? Les médias russes ont creusé l’affaire. Selon eux, elle toucherait trois gros bonnets de la discipline: Svetlana Sleptsova, Evgeny Ustyugov, Alexander Chernyshev. Le dernier, Alexander Pechenkin, présente des états de service moins prestigieux.
Svetlana Sleptsova, aujourd’hui âgée de 32 ans, a quitté la discipline. Elle avait été championne olympique en relais aux Jeux de Vancouver en 2010.
Evgeny Ustyugov, le plus connu du trio, a décroché l’or à la mass-start aux Jeux de Vancouver 2010. La même année, il avait empoché le petit globe de cristal du classement de la Coupe du Monde dans cette discipline. Il a également été champion olympique en relais aux Jeux de Sotchi en 2014. Il est aujourd’hui retraité du biathlon.
Enfin, Alexander Chernyshev a été champion du monde junior, avant de connaître une suite de parcours moins glorieuse.
Interrogé par les médias russes, Evgeny Ustyugov a joué l’ignorance : « Je ne sais rien à propos de cette affaire. Ma carrière est terminée depuis quatre ans, je sais qu’on a le droit de garder les échantillons huit ans pour des analyses complémentaires. Mais je me demande pourquoi cette affaire sort aujourd’hui. »
Les conséquence, maintenant. Sportivement parlant, elles pourraient enrichir encore le palmarès de Martin Fourcade. Le 21 février 2010, aux Jeux de Vancouver, Evgeny Ustyugov avait remporté la médaille d’or à la mass-start, en devançant le Français, classé 2ème, et le Slovaque Pavol Hurajt, crédité de la 3ème place sur la ligne d’arrivée (photo ci-dessus).
Dans l’hypothèse où les faits étaient avérés, et surtout que le cas de dopage concernerait les Jeux de Vancouver, le nom du Russe serait effacé du palmarès. Martin Fourcade hériterait, huit ans après la compétition, d’une sixième médaille d’or olympique.
A plus court terme, cette nouvelle affaire de dopage dans le biathlon pourrait jouer un rôle dans la campagne pour la présidence de l’IBU. L’organisation internationale est en quête d’un successeur au Norvégien Anders Besseberg, 72 ans, son président depuis 1993, contraint à la démission au mois d’avril dernier pour avoir reçu pour 300.000 dollars de pots-de-vin en échange de son silence sur des cas de dopage dans le biathlon russe.
L’élection à la présidence doit se dérouler vendredi 7 septembre 2018 lors du congrès annuel, organisé à Porec, en Croatie. Deux candidats sont en lice : le Suédois Olle Dahlin, actuel vice-président de l’IBU chargé du développement, et la Lettone Baiba Broka, ancienne ministre de la Justice.
Ces dernières semaines, le ton est monté entre les deux postulants. Sentant venir le danger, Olle Dahlin a accusé Baiba Broka d’être soutenue, voire manipulée, par la Russie. La dirigeante politique lettone a nié. Mais le biathlon russe, ses affaires et son influence, pourraient bien peser lourd au moment du scrutin.