Curieuse journée pour la boxe et pour sa fédération internationale, l’AIBA. Une journée dont le déroulement pourrait peser lourd dans l’avenir olympique de la discipline. Et même, qui sait, en rédiger bientôt le mot fin.
En milieu de matinée, mercredi 3 octobre, l’AIBA a publié un communiqué de presse relatif à la préparation de son prochain congrès, prévu les 2 et 3 novembre 2018 à Moscou. En soi, rien de passionnant. A un détail près : le document officialise une information annoncée depuis la veille. L’élection à la présidence de l’AIBA se réduira à un candidat, un seul. Son nom : Gafur Rakhimov.
Le président par intérim deviendra donc, dans les semaines à venir, le président tout court. Son seul adversaire déclaré, l’ancien boxeur kazakh Serik Konakbayev, a été poussé sans ménagement vers la sortie. Il n’aurait pas déposé à temps sa lettre d’intention, accompagnée de la liste des 20 fédérations nationales lui ayant apporté son soutien. La date-limite pour le faire avait été fixée par la commission électorale de l’AIBA au 23 septembre. Un dimanche. Serik Konakbayev a manqué le passage du postier. Trop bête.
Sauf retournement de situation, toujours possible dans le monde plein de surprises de la boxe (Serik Konakbayev a fait appel devant le TAS), l’Ouzbek Gafur Rakhimov s’offrira un mandat de quatre ans, un vrai, à la présidence de l’AIBA.
Mauvais timing pour l’organisation mondiale : l’annonce de la liste des candidats à la gouvernance de l’AIBA est intervenue quelques heures seulement avant la réunion de la commission exécutive du CIO. A Buenos Aires, où l’institution olympique a déplacé son barnum et son ambiance feutrée à l’occasion des Jeux de la Jeunesse, Thomas Bach et sa garde rapprochée n’ont pas eu besoin de fouiller dans l’ordre du jour pour dénicher le sujet le plus chaud du moment. Ils ont débattu de l’AIBA. Et ils ont affûté leurs lames.
Pour faire simple, le CIO a sommé l’AIBA de régler d’ici le mois prochain ses différents « problèmes », relatifs à sa gouvernance, ses difficultés financières et son système de lutte antidopage. Pour l’argent et pour le dopage, l’organisation mondiale de la boxe devrait pouvoir s’en sortir. Ces questions se règlent toujours, dans le mouvement olympique. Les Russes en savent quelque chose.
Pour la gouvernance, en revanche, le dossier s’avère complexe. Le CIO ne veut pas entendre parler de Gafur Rakhimov. On le comprend. L’Ouzbek est précédé d’une réputation dont personne ne voudrait, même en échange d’une place au bord du ring. Aux Etats-Unis, le Département du Trésor l’a déclaré depuis longtemps persona non grata. Son nom est écrit en toutes lettres sur une liste de personnes accusées d’avoir « fourni un soutien matériel » à une organisation criminelle. Gafur Rakhimov nie en bloc. Il a recruté un cabinet d’avocats pour l’aider à se refaire une image.
En attendant, le CIO lui ferme solidement la porte. « Un tel comportement affecte non seulement la réputation de l’AIBA et de la boxe, mais également le sport en général, a suggéré l’institution, mercredi 3 octobre, dans un communiqué. La commission exécutive du CIO a fait part aujourd’hui de son extrême préoccupation face à la grave situation au sein de l’AIBA et à sa gouvernance actuelle. Par conséquent, le CIO réitère sa position claire : si les problèmes de gouvernance ne sont pas correctement résolus à la satisfaction du CIO lors du prochain congrès de l’AIBA, l’existence de la boxe sur le programme olympique, et même la reconnaissance de l’AIBA en tant que fédération internationale reconnue par le CIO, sont menacées. »
Difficile de faire plus clair. L’AIBA est prévenue : en confiant le fauteuil de président à Gafur Rakhimov, le mois prochain, elle pourrait dire adieu aux Jeux olympiques. Une sanction qui pourrait intervenir dès les JO de Tokyo en 2020. Mais l’Ouzbek est seul candidat. Terrible casse-tête.
Nuance importante, l’avenir olympique de la boxe pourrait être dissocié de celui de l’AIBA. Mark Adams, le porte-parole du CIO, l’a expliqué mercredi soir en conférence de presse, au terme de la première journée de réunion de la commission exécutive : les boxeurs pourraient ne pas avoir à subir les conséquences des manœuvres de leurs dirigeants. Ils pourraient être autorisés à disputer les Jeux, même en cas d’exclusion de l’AIBA du mouvement olympique.
Comment ? A ce stade du feuilleton, la suite reste très floue. Une option se détache : la gestion provisoire par le CIO de la discipline, au moins dans sa version olympique, jusqu’aux Jeux de Tokyo 2020. L’institution aux anneaux pourrait organiser elle-même le processus de qualification et le tournoi olympique. Elle en a les moyens.