L’Afrique ne craint pas les situations d’urgence. Le continent le prouve une nouvelle fois avec le feuilleton à multiples rebondissements de l’attribution de la Coupe d’Afrique des Nations de football en 2019.
A une poignée mois de l’événement, prévu en juin et juillet 2019, le pays-hôte n’est toujours pas connu. Il devrait l’être le 9 janvier prochain, à l’occasion d’une réunion exceptionnelle à Dakar du comité exécutif de la Confédération africaine de football.
Tout juste sait-on que la décision se jouera entre deux pays, deux poids lourds du continent : l’Egypte et l’Afrique du Sud. Le premier des deux avait assuré qu’il n’en serait pas, mais le retrait surprise du Maroc, annoncé comme favori, l’a décidé à se lancer dans la course. L’Afrique du Sud, de son côté, avait elle aussi traîné des pieds, avant de changer sa position et déposer un dossier.
Pour rappel, la CAN 2019 avait été initialement attribuée au Cameroun. Mais la Confédération africaine de football lui en a autoritairement retiré l’organisation, le 30 novembre dernier, citant un manque de transparence dans la préparation du tournoi, un retard dans les travaux, et un risque certain pour la sécurité des équipes et du public.
Grand seigneur, le président de la CAF, Ahmad Ahmad, a assuré les autorités camerounaises qu’elle n’avaient pas tout perdu, puisque le pays pourrait se consoler avec la CAN 2021. Seul ennui, mais de taille : le tournoi avait déjà été attribué à la Côte d’Ivoire.
A Abidjan, la nouvelle a été reçue comme une insulte. Le gouvernement ivoirien menace maintenant de porter l’affaire devant les tribunaux. Visiblement jamais à court de ressources, Ahmad Ahmad assure désormais aux Ivoiriens qu’ils pourraient récupérer la CAN en 2023… dont l’organisation a pourtant été confiée à la Guinée. Improbable jeu de dominos.
En attendant, un cabinet d’experts a été recruté pour évaluer les forces et faiblesses de l’Egypte et de l’Afrique du Sud pour l’accueil de la CAN 2019. Il est censé rendre son rapport en tout début d’année.
Sur le papier, les deux pays présentent des avantages communs. Et, curieusement, certaines faiblesses assez similaires.
L’Afrique du Sud et l’Egypte possèdent une expérience éprouvée des grands événements, avec une avance certaine pour le premier des deux, hôte du Mondial de football en 2010.
L’Afrique du Sud dispose des dix stades hérités de la Coupe du Monde 2010. Certains tournent à plein régime, d’autres auraient bien besoin de la CAN pour s’extraire d’une certaine torpeur. En face, l’Egypte affiche une carte footballistique complète, avec une douzaine de stades à plus de 20.000 places. En tête de liste, le Borg El Arab Stadium (86.000 places) et le Cairo International Stadium (75.000 places). Egalité, donc.
Les deux rivaux se démarquent sur l’échelle climatique. En juin et juillet, les deux mois où se disputera pour la première fois le tournoi africain, l’Afrique du Sud affiche des températures fraîches, voire très hivernales à Johannesburg. Le public aura à prévoir parka et bonnet. A l’inverse, les joueurs ne seront pas à la fête en Egypte, où la température moyenne atteint 27 degrés en été, avec des pointes à 34 ou 35 degrés. En clair, trop froid d’un côté, trop chaud de l’autre.
Même écart abyssal sur le plan politique. L’Egypte pèse d’un poids considérable sur la Confédération africaine de football, dont le siège est installé au Caire. Le président de la Fédération égyptienne de football (EFA), Hany Abo Rida, passe pour un proche du Malgache Ahmad Ahmad. Un atout. Son homologue sud-africain, Danny Jordaan, ne peut pas en dire autant. Plutôt mal vu depuis quelques mois, il a été battu par le Malawien Walter Nyamilandu pour le poste de représentant anglophone de la CAF au sein de la FIFA. Un maillon faible.
En Afrique du Sud, la candidature à la CAN 2019 est observée avec une certaine distance, voire une franche réticence, par le gouvernement. Il ne lui a pas accordé officiellement son soutien. L’année 2019 sera électorale dans le pays. Prudence, donc.
En Egypte, les autorités s’affichent volontiers aux côtés de la Fédération dans sa candidature. Mais le pays peine à régler ses problèmes de sécurité, notamment dans les stades de football.